Cinema
[Cannes 2021, Un certain regard] A résidence, un film engagé nécessaire où les personnages passionnent peu

[Cannes 2021, Un certain regard] A résidence, un film engagé nécessaire où les personnages passionnent peu

13 July 2021 | PAR Geoffrey Nabavian

Réalisée par Alexeï Guerman Jr., cette comédie acide sur un contestataire russe assigné à résidence paraît renvoyer dos à dos tous ses personnages dans la médiocrité. Juste, mais pas simple pour faciliter l’attachement à eux.

Assigné à résidence chez lui dans une maison de la campagne russe grise, en attendant son procès, David s’active et lutte, peut-être contre des moulins à vent. Il a accusé avec virulence le maire de sa ville d’avoir volé de l’argent public. Et s’est retrouvé ensuite lui-même accusé d’avoir utilisé une somme donnée par l’État pour l’organisation d’un congrès pour lui-même. Sa femme aussi est accusée : mais de toute façon, elle l’a laissé tomber. Et son nouveau compagnon n’est autre qu’un entrepreneur qui a soufflé à David l’idée d’accuser publiquement le maire de vol… alors que la moitié des contrats remportés par son entreprise viennent de ladite mairie.

Projeté au Festival de Cannes 2021 au sein d’Un certain regard, À résidence est un film qui empoigne un sujet engagé : celui des personnalités engagées ayant un comportement contestataire et dénonciateur, accusées de vol d’argent public et se trouvant immobilisées chez elles par décision juridique. Une situation qui a notamment frappé le réalisateur de cinéma et metteur en scène de théâtre russe Kirill Serebrennikov, dont le nouveau long-métrage, La Fièvre de Petrov, est également montré à Cannes en 2021, en compétition pour la Palme d’or.

Cependant, l’action se déroule en Russie, et il ne peut donc y avoir, dans cette histoire, deux camps unilatéralement définis, cela serait bien trop simple. Obstiné, borné, et pas forcément sympathique, David semble assez individualiste en fin de compte. Face à lui, l’avocate qui doit se charger de le défendre à son procès apparaît davantage réaliste, pragmatique, mais aussi sidérée et démunie devant cette comédie hystérique et désespérée dans laquelle elle plonge. Car son client se met à vouloir lui aussi, en retour, faire un procès au maire…

L’intérêt de ce long-métrage demeure donc son traitement “à la russe” d’un sujet engagé, évitant discours trop faciles ou pathos. Hélas, si le ton acide est bien là, dans cette comédie dramatique, le rythme fait un peu défaut. À l’image de David, l’action piétine et traîne un peu, et le film peut donner l’impression de livrer assez vite tout son contenu. Dès lors, il ne reste plus qu’à macérer dans la logique absurde du personnage principal, avec lui. Étant donné qu’il n’apparaît pas forcément sympathique, on peut finir par se lasser de le suivre dans ses efforts vains…

À résidence est présenté au Festival de Cannes 2021, au sein d’Un certain regard.

Retrouvez tous les films du Festival dans notre dossier Cannes 2021

*

Visuel : © Metrafilms LLC, Kinoprime Foundation

L’agenda classique et lyrique du 13 juillet
[Critique] “Helmut Newton l’effronté”, fascinant voyage dans l’univers du photographe de mode
Avatar photo
Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration