Beyond the hill d’Emin Alper : un hors-champ saisissant
Une ombre furtive, un éboulement de pierre et toutes les oreilles sont à l’affût. Le film turc Beyond The Hill ne parle que de violence sans jamais la montrer à l’écran et, de la même façon, l’ennemi rôde, silencieux et invisible. La chasse à l’homme se déroule hors du champ de la caméra, celle-ci préférant s’attarder sur l’animosité et les ressentiments quotidiens des personnages.
Au milieu de nulle part et au pied de collines, une famille est rassemblée autour de son patriarche pour faire face à une menace imperceptible, insaisissable. Le pitch est terrible, on vous l’accorde, mais le Beyond The Hill est un joyau, un objet sensoriel hors du commun. Ne vous laissez pas impressionner par le synopsis tant le film d’Emin Alper comporte de strates : il s’épaissit de minute en minute, transportant le spectateur à un rythme lent, ondulatoire mais avec une tension et une nervosité certaines.
Faïk, son fils et ses petits-enfants ainsi que le métayer et sa famille cohabitent dans cet environnement intemporel – ou davantage suspendu dans le temps – coupé du monde moderne. Un univers très masculin où le ressentiment perce sous une amitié parfois étouffante. Le huis clos à l’air libre fonctionne parfaitement ; le réalisme des personnages aux préoccupations tangibles contraste avec l’aspect fantasmagorique des paysages, écrasants de grandeur. A la peur supposée des nomades s’ajoutent les drames que créent les protagonistes pour cacher leurs fautes.
La beauté des plans, à la fois paisibles et angoissants, nous mène de cabrioles en retournements de situation avec une agilité de maître et ce, jusqu’à une scène finale inattendue. Une œuvre singulière et forte, présentée lors de la dixième édition de Paris Cinéma mais qui n’aura hélas pas été primée.