[Critique] « Only Lovers Left Alive » Tilda Swinton vampire dans un trip musical nocturne et envoutant de Jim Jarmusch
Only Lovers Left Alive, vu à Cannes ( voir notre critique ) envoûte, souvent, ennuie, parfois. L’errance nocturne et musicale de ces vampires aristocrates paumés est un agréable voyage en apesanteur qui ne révolutionnera pas l’oeuvre de son réalisateur.
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Synopsis officiel: Dans les villes romantiques et désolées que sont Détroit et Tanger, Adam, un musicien underground, profondément déprimé par la tournure qu’ont prisent les activités humaines, retrouve Eve, son amante, une femme endurante et énigmatique. Leur histoire d’amour dure depuis plusieurs siècles, mais leur idylle débauchée est bientôt perturbée par l’arrivée de la petite sœur d’Eve, aussi extravagante qu’incontrôlable. Ces deux êtres en marge, sages mais fragiles, peuvent-ils continuer à survivre dans un monde moderne qui s’effondre autour d’eux ?
Jim Jarmusch est ce réalisateur à part au style unique et à l’atmosphère bien déterminée qui tourne régulièrement et attire un public de fans fidèles venus chercher cette tonalité particulière. Avec des hauts et des bas dans une filmographie riche, souvent passée par Cannes et qui a laissé au moins un souvenir impérissable, le magnifique Ghost Dog avec Forest Whitaker. Only Lovers Left Alive a la bonne idée de réinterpréter un genre ultra codifié, le film de vampires, qui colle parfaitement à l’ambiance ironico-poético-réaliste de Jarmusch. En s’amusant des aspects terre-à-terre et des passages obligés (la recherche de sang à l’hôpital, les mythes sur l’ail et l’entrée dans une maison sans être invité) pour mieux s’essayer à une réflexion plus générale sur l’errance. Only Lovers Left Alive commence par une déclaration d’amour aux instruments de musique qui nous sont présentés par le personnage principal. Nous montre les vampires comme des addicts à cran qui montent au 7ème ciel après leur shot de sang. S’invite entre Tanger et Détroit, deux villes qui ne laissent pas indifférents et donnent une vraie identité visuelle au film et à ses escapades nocturnes. Baigné de musique, d’ombres et de lumières, Only Lovers Left Alive est un trip Jarmuschien qui ne surprend pas et envoûte au risque d’ennuyer. Les deux acteurs principaux, évidents dans leurs rôles flottants et aériens, donnent du corps et du cœur au film mais l’absence de structure dramatique empêche toute adhésion du spectateur à la trame générale. Ghost Dog et ses virées en voiture répétitives sur fond de (bon) hip hop avait une réelle histoire et un drame au premier degré qui créait de la cohérence et nous faisait croire à ce film de samurai moderne. Only Lovers Left Alive doit se voir comme une accumulation de petits moments, de scènes souvent sublimes (la chanteuse à Tanger, Détroit de nuit) et un résumé du savoir faire de son réalisateur. Cela n’en fait pas un chef d’oeuvre mais le trip ravira les amateurs.
Gilles Hérail
Only Lovers Left Alive, un film de Jim Jarmush avec Tilda Swinton et Tom Hiddleston, durée 2h03, sortie le 19 février 2014