[Critique, Berlinale] Avant-première de “Diplomatie” de Völker Schlöndorff, un élégant numéro d’acteurs
Avec deux films en projection spéciale, le réalisateur Volker Schlöndorff est à l’honneur de cette 64ème Berlinale (Voir notre portrait). Après avoir un peu peiné à suivre un Baal marqué par son temps et le jeu hirsute de Fassbinder, nous nous sommes laissés porter par la transposition classique de la pièce historique de Cyril Gély, qui avait triomphé au Théâtre de la Madeleine. Ajoutant sa touche de rigueur dans les décors et les images d’archives, Schlöndorff reprend le casting parfait de la pièce : Dussolier et Arestrup pour en faire, malgré la lourdeur des dialogues, un film élégant qui est une déclaration d’amour à Paris.
[rating=3]
Nuit du 24 août 1944. Les alliés sont aux portes de Paris et ordre a été donné par Hitler au gouverneur nazi de la capitale Française, Dietrich von Choltitz (Nils Arestrup, dans son meilleur rôle) de ne pas capituler et de détruire la capitale française, plus par mesure de désespoir que par impératif stratégique. In extremis, par une porte dérobée, le consul général de Suède, Raoul Nordling (Dussolier, immense) pénètre dans la suite du Meurice où réside le gouverneur, et tente de le convaincre de laisser vivre les parisiens sans détruire leurs monuments…
Quand on est aussi imbibé de cinéma que Volker Schlöndorff, pourquoi, après le Paris brûle-t-il ? de René Clément (1966), reprendre le sujet en ode théâtre et transposer un drame psychologique aussi raide dans ses dialogues moralisateurs ? Deux raisons, semble-t-il, d’abord un immense amour de Paris (Plans amoureux de la Seine et Joséphine Baker en générique) et ensuite le plaisir de replacer dans un décor d’une exactitude sourcilleuse deux immenses acteurs dans des rôles très populaires.
On tremble parfois pour lui quand une vérité historique ou une sentence définitive claquent dans la suite du Meurice. Et pourtant, usant de la même élégance qu’il avait mise à disposition d’un personnage historique comme Guy Moquet dans La mer à l’aube pour inscrire la petite histoire directement dans la grande. Les images d’archives sont diablement bien utilisées pour nous faire prendre la mesure de la tension qui règne à Paris, la nuit du 25 août. Mais pendant la nuit, il sait vraiment respecter l’unité de lieu et rester concentré sur le dialogue décisif des deux personnages. Un dialogue essentiel et aussi parfois intime mais où la culpabilité suinte de partout et qui n’est pas sans rappeler le Garde à vue de Claude Miller. Le 7ème art est là, dans les champs et contre-champs, dans les jeux d’ombre qui donnent du relief au noir et blanc un peu grandiloquent du texte.
Un film intense qui fonctionne en effet comme un thriller psychologique et dont on ressort plein de gratitude à l’idée que les beautés de Paris ont été épargnées.
http://www.youtube.com/watch?v=nJfaNEzh_wQ
Diplomatie de Völker Schlöndorff, avec André Dussolier, Nils Arestrup, Robert Stadlober, Burghart Klaussner, Allemagne/ France, 2014, 85 min. Gaumont. Sortie le 5 mars 2014.