Réouverture du musée Picasso : un accrochage riche mais alambiqué
À l’issue d’un véritable feuilleton politique et après bien des vicissitudes sur lesquelles nous reviendrons, le musée Picasso rouvre enfin ses portes au public après plusieurs années de travaux. Le point sur le nouvel accrochage.
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Tout à notre curiosité de découvrir le nouvel accrochage assumé par Anne Baldessari, nous sommes ravis de pénétrer à nouveau dans la cour du bel hôtel Salé, rue de Thorigny.
Le “nouveau” musée Picasso, c’est d’abord une surface d’exposition nettement amplifiée : outre l’accrochage chronologique sur trois étages, le visiteur accède désormais à de nouveaux espaces qui complètent favorablement ce parcours linéaire : sous les combles, une section intitulée Dialogues met en regard les œuvres que collectionnait Picasso avec ses propres créations. Au sous-sol, des photographies de Brassaï, de Dora Maar, des céramiques réalisées à Vallauris permettent d’éclairer le rapport de Picasso à ses nombreux ateliers. Enfin, un café est désormais accessible sur une terrasse de l’hôtel.
Le parcours suivi dans son intégralité offre une vision composite, hétéroclite mais déconcertante de l’œuvre du Maître. L’ambition affichée était de sortir des classifications par trop simplistes – période bleue, période rose, etc. – pour donner à voir la complexité d’une œuvre qui a dominé le XXe siècle. Résultat : le mythe Picasso est bien là, qui continue de fasciner par la multiplicité des regards posés sur un seul et même sujet. À cet égard, la salle consacrée au taureau, entre tauromachie et Minotaure, est particulièrement réussie. Et d’une manière générale, le rapport à la figure féminine est largement mis en avant.
Pourtant, le visiteur peine à trouver ses marques. Si l’ambition du peintre lui-même, à la fois surhumaine et dérisoire, qui considérait la peinture comme son journal intime, est parfaitement respectée, cette dé-classification est au final assez déroutante pour le visiteur non familier de l’œuvre, d’autant que les cartels ne sont pas développés, qu’il n’y a aucun texte ni chronologie au mur. Sans compter que les emplacements desdits cartels sont parfois assez farfelus…
Enfin, certains moments charnières de l’œuvre, comme les décors pour les Ballets russes, sont éludés, tandis que la guerre est traitée de façon éclatée : les photos de Dora Maar pendant la réalisation de Guernica sont exposées dans la section concernant les ateliers au sous-sol, tandis que Massacres en Corée est relégué dans une petite salle au bout du second étage, et l’Homme au mouton presque caché dans un petit cabinet au milieu du parcours….
Laurent le Bon, qui a repris les rênes du musée, affirme vouloir poser un regard contemporain sur Picasso : laissons-le trouver ses marques avec ses équipes, dans un lieu qui doit maintenant prendre vie et s’adapter à ses usagers.
Visuels : © Musée national Picasso-Paris/Béatrice Hatala