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Popularité d’événements culturels : comment expliquer leur succès ?

Popularité d’événements culturels : comment expliquer leur succès ?

08 June 2013 | PAR Marie Boëda

Un cocktail d’art et d’événementiel ça donne quoi ? Depuis quelques années un phénomène prend forme avec des expositions dont tout le monde parle et qui parviennent à attirer un public large, les expositions blockbusters. Comment expliquer ce phénomène ? Qu’est-ce qui fait qu’une exposition est populaire ?

PompiAlors même que la crise s’empare des porte-monnaie et des occupations de la population, les expositions grand format rencontrent un succès qui ne se dément pas, particulièrement vis-à-vis des Français. Selon une analyse du ministère de la Culture, depuis 2011, une hausse de la fréquentation des musées a été enregistrée. Environ 80% des visiteurs sont toujours des touristes; cependant une hausse de visiteurs français est observée en même temps qu’une baisse des touristes. Il existe à coup sûr de nombreuses explications à cette variation de fréquentation. Deux effets semblent encourager ce phénomène, la mise en place d’expositions blockbuster et l’eventocratie. Pourquoi ces expositions rencontrent-elles un si grand succès ? Pour ces expositions, la queue est longue, le prix assez élevé, qu’est-ce qui fait pencher une partie de la population à aller voir ces expositions  plus que d’autres moins chères, plus intimistes ?

Le phénomène blockbuster est en premier lieu attribué au milieu cinématographique. Depuis une dizaine d’années, un glissement s’opère vers les œuvres d’art. Terme à la mode, il désigne les organisations d’expositions spectaculaires capables d’attirer une forte affluence de visiteurs et de sponsors. Les expositions des grandes institutions (celles qui ont les moyens), si elles sont visitées par une bonne part de la population, peuvent aisément rentrer dans le format des blockbusters. Un autre phénomène accompagne ce glissement, “l’eventocratie”. Terme inventé par Massimilliano Gioni, “l’eventocratie” consiste à créer un événement autour des expositions organisées. Événement qui remplace parfois le contenu. L’intérêt, c’est avant tout, d’avoir vu l’exposition, pour être capable d’en parler et d’apporter un avis. On change de vision de l’art qui prend de nouvelles formes et puise dans des niveaux de qualité différents, moins ancrés dans le fond mais spectaculaires dans la forme et l’organisation.

monet-grand-palais-207x300Quelques points indispensables pour répondre à l’exigence des expositions blockbuster sont à retenir. Qu’est-ce qui influence le choix des concepteurs d’exposition ? Si l’on en croit les expositions qui attirent, il existe des sujets récurrents pouvant attirer une forte affluence française. L’Egypte par exemple mais aussi les peintres impressionnistes, fierté nationale, identité culturelle et contenu toujours réutilisable. En témoigne l’exposition de Monet au Grand Palais en 2010 qui a attiré plus de 900 000 visiteurs. Elle est à la deuxième place des records de fréquentation après l’ancêtre blockbuster, l’exposition Toutankhamon au Petit Palais en 1967 qui avait recueilli 1,2 million de visiteurs. Hopper au Grand Palais a fait sa marque en orientant le processus de l’artiste vers des influences impressionnistes ; une touche française, chez Hopper, ne peut qu’aiguiser la curiosité et encore une fois une certaine fierté française. La rétrospective a comptabilisé 800 000 visiteurs.

L’importance de la communication autour de ces expositions n’est bien sûr pas négligeable dans ce taux de fréquentation. Les institutions à gros moyens comme le Grand Palais, le Louvre ou Beaubourg ont la capacité de mettre en avant des opérations marketing pour satisfaire une majorité de la population. Une publicité répétitive et grand format permet de créer un événement autour de l’exposition. Grâce à cette méthode, « il faut absolument » aller voir l’expo puisqu’on sait déjà ce qu’elle va évoquer et comment. A la fin de l’exposition, la communication n’est pas finie, un magasin vendant des produits dérivés autour du sujet exposé est, pour ainsi dire, imposé à la sortie et reflète l’aspect consommation qui caractérise ces expositions. De nombreuses informations sont disponibles, une multitude de livres autobiographiques ou explicatifs en viennent à accabler le consommateur. Georg Simmel parle de « tragédie de la culture » lorsque l’individu se voit attiré mais aussi assommé constamment par un contenu culturel large qu’il ne peut jamais s’approprier et assimiler. On arrive peut-être à la limite d’un équilibre entre un travail poussé en faveur d’un taux de fréquentation toujours plus grand face à un contenu qui est noyé par l’intensité de la communication qui le met sous les projecteurs.

Enfin, l’époque actuelle avoue son goût pour le gigantisme et le spectaculaire. Parfois des expositions qui ne défendent pas la création attirent davantage de personnes qui semblent se reconnaître dans une mouvance s’attachant plus au spectacle qu’à la création. Vécues comme une expérience, elles permettent sur un autre niveau de prouver leur qualité, la perfection technologique. C’est une occupation de l’espace et une organisation impressionnante qui répond à une nécessité du gigantesque qui saute aux yeux pour avoir du succès. La forme prend le dessus sur le fond certes, mais ces expositions qu’on peut qualifier de populaires permettent peut-être dans une autre dimension d’organiser avec l’argent récolté des présentations d’œuvres et d’artistes qui répondent moins à la superproduction. On parle d’exposition rentable car grâce à ce contenu et à cette forme, l’institution compense le manque de budget pour la faire vivre.

Malgré les nombreuses critiques émises sur l’absence de création et de scientificité ainsi que de renseignements valables sur l’artiste dans ce type d’exposition, certains s’accordent à dire qu’au moins elles démocratisent l’art pour une partie de la population et remplissent les caisses de ces institutions. Un développement de la culture dans nos sociétés qui prend de nouvelles formes, parfois décevantes, mais qui sont peut-être indispensables pour la survie d’un patrimoine et dans un sens, de la création.

Visuels (c) : capture d’écran, affiche Monet.

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Marie Boëda

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