Laques au musée Cernushi – surprenant voyage en territoire japonais
Pour le printemps, le musée Cernuschi invite à une promenade en terroir japonais, parmi les aubergines et les aubépines de Shibata Zeschin ( 1807 – 1891), peintre et laqueur de l’ère Meiji. Les pièces de la collection Catherine et Thomas Edson , ici présentées, offrent un parcours envoûtant au gré des parfums et des atmosphères d’une nature à la fois bucolique et onirique.
Les trois salles du petit hôtel de l’avenue Vélasquez, en lisière du parc Monceau, baignées d’une lumière tamisée, accueillent le visiteur pour une promenade champêtre dans l’éblouissante nature dessinée par Shibata Zeschin. « Artiste attaché à la maison impériale » dès 1868 et la restauration du pouvoir impérial, il contribue par son art à la création d’un Etat moderne, capable de rivaliser avec les puissances occidentales, puisque ses œuvres viendront en première ambassade du Japon à Paris, à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1867.
Tout d’abord apprenti auprès du laqueur Koma Kansai II, Shibata Zeschin étudie ensuite la peinture auprès de l’école réaliste Shijo, inspirée par la peinture chinoise à l’encre, qui continue alors de se développer à Kyoto. Son art se singularise dès les années 1840. Il s’affranchit dès lors des lois somptuaires qui interdisent l’utilisation d’or et d’argent sur certains types de laque et met au point de nouvelles techniques de laquage qui jouent d’illusions sur les matériaux utilisés. Entre autres chefs d’œuvre de la collection Catherine et Thomas Edson : le récipient à friandises (kashiki) à décor de fleurs où les laques « imitant la pierre » (ishime nuri) et les laques « imitant un alliage de cuivre et d’argent » (shibuishi nuri) ont servi à réaliser chacun des pétales, tandis que le laque imitant le bronze (seido nuri) et le laque imitant le bois de rose (shitan nuri) recouvrent l’intérieur et la lèvre. La précision du dessin de Shibata Zeschin, alliée à sa maîtrise virtuose du laque offre au visiteur du Musée Cernuschi un magnifique parcours entre les différents services à thé, plateaux, boîtes et inrôs exposés.
Si la délicatesse des motifs superbement rehaussée par le travail d’alliage que réalise la technique du laquage plonge néanmoins le visiteur dans un océan de nuances plutôt sombres, les peintures sur soie ne laissent pas de surprendre par leur éclatante lumière. Aux murs des trois salles, de superbes panneaux de soies aux motifs variés encadrent de saisissants instantanés d’une nature à la fois vivante et fraîche. Un faucon se mirant dans l’eau jaillissante d’une cascade, un héron blanc côtoyant en plein vol un corbeau noir dans un ciel d’or sont autant de surprises qui accrochent l’œil et l’émeuvent.
Mais le ravissement passé, le spectateur demeure quelque peu déconcerté par l’absence d’explication apportée à chacune des œuvres. Seul le dossier de presse permet de comprendre plus en détails le travail de l’artiste, le promeneur n’ayant pour sa curiosité que les panneaux somme toute assez généralistes affichés dans les salles. On regrettera donc que le curieux ne soit pas davantage accompagné dans sa visite, malgré le petit carnet qui offre aux enfants un parcours ludique entre les pièces, éveillant leur regard par un jeu de question/réponse. Gageons que les visites commentées et le cycle de conférences organisé autour de l’exposition aideront à une appréciation plus complète de l’étonnant travail de Shibata Zeschin.
Crédit photos: © San Antonio Museum of Art/Photo Peggy Tenison
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