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Marc Chagall: l’artiste a désormais son site Internet officiel

Marc Chagall: l’artiste a désormais son site Internet officiel

10 June 2023 | PAR Christophe Dard

L’un des grands noms de l’histoire de l’art du 20ème siècle est déjà à l’honneur cette année d’une exposition à l’Atelier des Lumières à Paris et le musée national Marc Chagall fête ses 50 ans d’existence. 2023 marque également la création du site officiel dédié à son immense carrière. Oeuvres, catalogue raisonné, archives, ressources, actualités… marcchagall.com est une ressource inépuisable pour les amateurs de l’artiste et un outil formidable pour le découvrir, pas seulement pour son travail mais également dans sa vie personnelle.

Marc Chagall, Fables de La Fontaine, La Perdrix et les Coqs, circa 1927, gouache et encres de couleur sur papier coloré roux, 51,5 x 41,8 cm, © ADAGP, Paris, 2023

Dire d’un artiste qu’il est inclassable est devenue une lapalissade mais si ce qualificatif est un raccourci bien trop facile pour définir le génie créatif de bon nombre d’entre eux, ce terme d’inclassable est bien approprié lorsque l’on évoque Marc Chagall, peintre, sculpteur, graveur, à l’aise sur tous les supports, un rêveur universel qui n’appartient à aucun courant et ne s’enferme pas dans un style en particulier. Des coqs, des taureaux, des vaches, des chèvres, des violonistes, des bouquets de fleurs, des anges, des humains détachés du sol et qui flottent la tête renversée… les ciels de Chagall sont des arches de Noé et pour accueillir tous ces personnages, les étoiles sont priées de se pousser un peu pour faire de la place.

Marc Chagall, L’arc-en-ciel, 1967, huile sur toile, 160 x 170,5 cm, Musée national d’art moderne, Paris, en dépôt Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg, Strasbourg © ADAGP, Paris, 2023

Ces nombreux éléments ne figurent pas par hasard dans les tableaux de l’artiste car ils sont pour la plupart autobiographiques. Les chandeliers, les synagogues et les violonistes renvoient à l’enfance juive de Chagall du côté de Vitebsk où il voit le jour en 1887, dans l’actuelle Biélorussie.
La Tour Eiffel, qui ressemble à un pendentif accroché aux nuages dans les toiles de l’artiste, souligne ses années parisiennes. Arrivé dans la capitale française en 1909 et bien qu’associé à la première Ecole de Paris, Chagall fréquente peu les autres représentants du mouvement… Décidémment, « inclassable » est un mot qui colle bien à l’artiste. A Paris, Chagall a la nostalgie de sa jeunesse et de ses racines juives. Les clochers à bulbes et les maisons en bois peuplent ses tableaux. Une toile réalisée en 1912-1913, L’Autoportrait aux sept doigts, évoque l’expression yiddish « faire quelque chose avec sept doigts », pour désigner une tâche accomplie vite et bien. La Tour Eiffel est bien là mais elle est reléguée dans un coin du tableau.
Dans cet univers proche de celui du cirque, tout en couleurs vives et en scènes surréalistes parfois empreintes de naïveté enfantine, dégageant une intense poésie et une douce mélancolie, l’épouse en robe de mariée, autre motif que l’on retrouve dans plusieurs oeuvres du peintre, n’est autre que Bella Rosenfeld, la première compagne de Chagall. Il l’avait rencontré à Saint-Pétersbourg en 1909 avant de partir pour Paris et ils vont connaître une passion de 35 ans jusqu’au décès brutal de Bella en 1944.

Musée National Message Biblique Marc Chagall, Nice : Catalogue des collections
Paris, RMN-Réunion des Musées nationaux, 2001
311 pages
22,4 x 28 cm
Français
2-7118-4325-4

Mais Chagall est aussi le reporter des tragédies du 20ème siècle. La figure du Juif errant, un homme âgé avec une canne, son baluchon sur l’épaule, pauvre, vagabond et à la recherche d’un refuge, occupe les toiles conçues pendant la Première et la Seconde guerre mondiale. Des crucifixions, des villages en feu, des chevaux cabrés font référence à la Shoah. Chagall a alors quitté la France pour New-York. Il revient ensuite dans l’hexagone en 1948 et pendant plus de trois décennies, jusqu’à sa mort en 1985, il cumule les commandes aux quatre coins du monde. L’artiste réalise un grand cycle peint qu’il intitule Le Message biblique, d’abord destiné à la chapelle du Calvaire à Vence dans les Alpes-Maritimes avant que le projet ne devienne un musée créé à Nice. Chagall réalise aussi le plafond de l’Opéra Garnier inauguré en grandes pompes en 1964 et des vitraux en France et à l’étranger notamment pour le siège des Nations-Unies à New York. L’artiste, toujours curieux… et inclassable… sculpte, réalise des céramiques et des tapisseries pour le hall du Parlement israélien à Jérusalem.

Marc Chagall, Etude pour Les Mille et une nuits : Abdallah et les êtres marins, planche IX, 1946, gouache, pastel, crayons de couleur et crayon noir sur papier, 61,4 x 46,5 cm, Collection particulière © ADAGP, Paris, 2023

Chagall laisse une oeuvre immense et le site marcchagall.com, mis en ligne il y a quelques semaines, référence ce parcours de huit décennies, l’un des plus longs de l’histoire de l’art. L’initiative de ce site revient à l’Association des amis de Marc Chagall, créée en 2019, et dont la mission est d’établir le catalogue raisonné officiel de l’artiste, un projet scientifique online qui recense les œuvres créées de 1906 à 1985 et préparé avec le concours du Comité Marc Chagall et des Archives Marc et Ida Chagall, le fonds d’archives le plus important dédié au peintre. Ce catalogue raisonné est d’ailleurs disponible sur le site, organisé par catégorie (notamment la sculpture), par période et par mot-clé.

Marc Chagall, atelier de la villa Les Collines, Vence, circa 1958-1959 © Izis – Manuel Bidermanas

Les oeuvres de Marc Chagall, reproduites en haute définition et pour certaines commentées, sont classées par thème, par matériaux mais également par couleur avec une magnifique mise une scène semblable à un feu d’artifice. L’onglet « ateliers » permet de nous plonger dans l’intimité de l’artiste à différentes périodes de sa vie, des photographies sur lesquelles il est en train de peindre, d’écrire, seul ou en compagnie de ses épouses et de ses proches.

Archives Marc et Ida Chagall © Archives Marc et Ida Chagall, Paris

Le site marcchagall.com propose aussi les Archives Marc et Ida Chagall, avec plusieurs milliers de documents notamment des lettres envoyées ou reçues (de Breton, Eluard ou Le Corbusier entre autres), des papiers administratifs, des photographies d’œuvres et d’autres pièces rares comme le discours rédigé pour l’inauguration des vitraux de la synagogue du centre médical Hadassah à Jérusalem en 1962. L’artiste déclare: « il me semble que vos mouvements de résistance tragiques et héroïques, dans les ghettos, et que votre guerre ici, dans ce pays, se sont trouvés mêlés à mes fleurs, et aux bêtes et à mes couleurs de feu ».
D’autres documents des Archives Marc et Ida Chagall sont disponibles sur demande en remplissant et en envoyant un formulaire sur le site qui dévoile aussi une partie « ressources », avec une bibliothèque, une vidéothèque et une audiothèque. Une biographie précise est également accessible de même qu’un onglet « actualités » sur les expositions en cours et à venir, en France et à l’étranger.

Marc Chagall, en collaboration avec Lanfranco Lisarelli, Deux têtes à la main ou Deux têtes, une main, circa 1952-1953, marbre de Carrare, 40 x 24,5 x 21 cm, Collection particulière © Fabrice Gousset/ADAGP, Paris, 2023

Le site marcchagall.com permet ainsi de découvrir tous les aspects de la vie de Marc Chagall. En le visitant, vous bénéficierez de la rétrospective la plus complète jamais proposée de l’artiste mais vous aurez aussi l’impression d’entrer discrètement dans son intimité. Si il était encore de ce monde, vous feriez bien sûr en sorte de ne pas le déranger au moment où ses rêves éveillés se posent délicatement sur la toile. Mais si Chagall vous surprenait en train de le regarder travailler, nul doute qu’il ne vous en voudrait pas. Bien au contraire, il aurait ses éternels yeux rieurs d’enfant espiègle, ce regard que les exilés optimistes portent comme un passeport talismanique et qui jamais ne quitte leurs visages.

Christophe Dard

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Christophe Dard
Titulaire d’un Master 2 d’histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Christophe Dard présente les journaux, les flashs et la chronique "L'histoire des Juifs de France" dans la matinale (6h-9h) sur Radio J. Il est par ailleurs auteur pour l'émission de Franck Ferrand sur Radio Classique, auteur de podcasts pour Majelan et attaché de production à France Info. Christophe Dard collabore pour Toute la Culture depuis 2013.

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