Arts

Fleurs, os, cosmos, et couleurs : Georgia O’Keeffe à Pompidou

11 September 2021 | PAR Camille Bois Martin

Jusqu’au 6 décembre 2021, les couleurs de Georgia O’Keeffe envahissent les murs blancs de la salle 2, sixième étage du Centre Pompidou. Artiste pionnière du début à la fin de sa carrière, l’exposition présente ses fameuses fleurs, ses vues photogéniques d’immeubles new-yorkais, son patio au New-Mexico…

De la Galerie 291 au Nouveau-Mexique

Les premières œuvres de Georgia O’Keeffe, née en 1887, sont profondément ancrée dans la tradition romantique de la fin du XIXe siècle, sensible à cette fusion entre l’homme et la nature. Les couleurs vives appliquées au fusain de ses premières toiles (que l’on retrouve au début de l’exposition) transcendent les formes presque biologiques au profit d’une émotion suscitée par la couleur. Pour autant, et comme l’artiste s’en est très souvent défendue, si ses toiles semblent tendre vers l’abstraction, il n’en est rien ; les formes sont évocatrices, renvoient à un sujet bien particulier. 

Beaubourg inaugure la première rétrospective française sur l’artiste, mobilisant des œuvres issues de collections publiques comme privées, allant du MoMA au MET, de Madrid à Chicago.

Le Centre Pompidou accorde une importance particulière à la Galerie 291 (New-York), dont le propriétaire du début du XXe siècle, Alfred Stieglitz, a présenté annuellement, de 1923 jusqu’à sa mort, des œuvres d’O’Keeffe – qu’il a par ailleurs épousé – parmi d’autres de Picasso, Matisse, Picabia ou encore Cézanne (desquels on retrouve les toiles au sein de l’exposition). 

Organisée selon les grandes périodes de sa carrière, cette rétrospective se divise en sept thématiques : la Galerie 291, ses premières œuvres des années 1910, son monde végétal, ses toiles d’ossements et de coquillages, sa vie au Nouveau-Mexique et enfin son Cosmos. La déambulation implique ainsi une visite chronologique de la production de l’artiste, jusqu’à sa mort en 1996. 

Gros plan et plongée : le choix d’une nouvelle modernité 

Dans une scénographie (par Jasmin Oezcebi) où le blanc est maître, les couleurs vives de l’artiste-peintre américaine transcendent l’oeil pour l’inviter à se projeter dans l’oeuvre ; ses iris, ses jonquilles ou encore ses fleurs de datura emplissent l’entièreté de ses toiles, sans laisser un seul millimètre pour quelconque autre sujet.

 

 Jimson Weed/White Flower No.1, 1932      | White Iris, 1930 |               Yellow Jonquils No.3, 1936

Comme O’Keeffe l’explique dans de nombreuses interviews, cette dernière a choisi de peindre ses fleurs sur des formats a priori démesurés, a posteriori admirés. En effet, la peintre voulait à tout prix éviter le lieu commun de la nature morte, trop souvent rattachée à la peinture genrée, féminine. Agrandies, sublimées, ses fleurs se dérobent presque au profit des couleurs qui les constituent, s’approchent de formes abstraites ; sans pour autant toucher à l’abstraction, tant la peinture de Georgia O’Keeffe cherche à conserver un lien intime avec la réalité que constitue la vie sur terre. 

 

Paroxysme de cette approche et de la tradition romantique qui l’influence, ses Black hills with Cedar (1941-1942) semblent fusionner le corps humain à la nature par l’image de collines devancées par un cèdre, rappelant fortement les cuisses et le pubis de la fameuse Origine du monde de Courbet. Dans un même esprit, les pétales de ses fleurs évoquent des vulves féminines ; perception dont O’Keeffe s’est néanmoins toujours défendue. 

Si ses gros plans fleuris ont participé à sa modernité, ses toiles de buildings new-yorkais l’ont également renforcée. Leurs vues en contre plongée, proche des photographies contemporaines, insistent sur l’ascension des bâtiments vers le ciel, et jouent sur les effets de lumière artificielle, se propageant dans les grandes villes du début du XXe siècle. 

The Shelton with Sunspots, N.Y., 1926

Dans le sable désertique du Nouveau Mexique 

À la fin de sa vie, Georgia O’Keeffe décide de s’installer dans l’État américain du Nouveau-Mexique, dont les paysages constituent un nouveau puit d’inspiration. Là-bas, cette dernière “cultive une image de Calimity Jane moderne” (feuillet d’exposition), et peint les collines qui l’entourent, le jardin qu’elle entretien, l’entrée de sa propriété, des ossements qu’elle récolte dans le désert environnant et qui finissent par remplacer ses fleurs. 

Un sujet en particulier l’a particulièrement inspirée : la porte noire de son patio, qu’elle décline sous différentes toiles, avouant même avoir acheté sa maison pour celle-ci. Certaines représentations de ce patio semblent tendre à l’abstraction la plus complète : quelques carrés alignés, un rectangle, une ligne. Seule l’organisation construite de l’image permet d’identifier ce sujet tout sauf abstrait, issu de son quotidien le plus commun. 

 

L’exposition se clôture par un montage de vidéos où Georgia O’Keeffe revient sur sa carrière, des années 1910 aux dernières années de sa vie ; car qui de mieux que l’artiste elle-même pour la présenter ?

Prochaine étape de cette réunion inédite de la production de Georgia O’Keeffe : Fondation Beyeler, Bâle, du 23 janvier au 22 mai 2022. 

© Photographies de Camille Bois-Martin, 7 septembre 2021

 

Festival du film de Locarno 2021 : Le retour victorieux de Edwin
Art Paris 2021 : les galeries font leur rentrée au Grand Palais Éphémère
Camille Bois Martin
Étudiante en Master de Journalisme Culturel (Sorbonne Nouvelle)

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration