
Tactiques du rêve augmenté, la beauté se niche dans la matière à la Verrière
La Verrière est le lieu d’exposition bruxellois de la Fondation d’entreprise Hermès. Dans cette grande pièce baignée de la lumière du jour, Guillaume Désanges nous intime l’ordre de regarder de très près 23 œuvres.
Une dernière exposition pointue et vaste
Fictions, hybridité et matières pures
Les 23 oeuvres nous racontent une histoire. La Satellite (Luz de Amor, Set Chevallier & Chloé Van Oost, Marine Forestier, moilesautresart et Astrid Vandercamere) est un collectif d’artistes queer. Iels imaginent que tout nous précède : la roue, les outils, les armes. Deux gros blocs et deux plus petits nous projettent dans une fouille archéologique. La matière donne l’illusion de la tourbe. Ici, les artistes s’amusent à donner l’illusion de. Il y a dans un tout autre genre les toiles de Marie-Claire Messouma Manlanbien qui sont en riz. L’aplat ocre, superbe d’Alex Ayed qui est en “vrai sable du Sahara”. Alex Ayed qui suscite des émotions fortes avec ses petites vanités trouvées. Petites boîtes opaques où l’on croise sur le dessus une bille ou un minuscule papillon et une pierre en marbre. Chaque œuvre est un voyage. On fond pour les couleurs psychédéliques et les messages futuristes et rétros de Suzanne Treister. On voit chez ces artistes une relation au futur imprégnée de cultures pop et archaïques, archéo-futuriste. Comme si pour avancer il fallait revoir ses fondations.
Les armes sculptées, autant bijoux que tribales de Tarek Lakhrissi nous transpercent. Autre sculpture, mais cette fois plus massive, celle verticale de Roy Köhnke nous présente d’un coté un thorax ouvert et de l’autre un dos lisse, érotique qui appelle l’aplat de la main. Ce thorax en plâtre et alimenté par des câbles ethernet bleu. Ce bleu que l’on retrouve en guise de veines dans une autre de ses pièces. Et puis, il y a le Timekeeper de Pierre Huyghe. C’est un cylindre de plâtre. Quand on s’approche on y voit des strates et de l’épaisseur, à la façon des rainures d’un arbre. L’arbre que l’on retrouve puissant et féminin dans le diptyque noir et blanc, plein de mouvement de Marie-Claire Messouma Manlanbien.
Tactiques du rêve augmenté est plutôt un rêve éveillé. Il est fou de voir la diversité de pensées et d’outils. Merveilleux de retrouver des matières brutes, comme le sable ou la pierre, mais aussi, d’autres très nobles, comme le fil de soie qu’Alex Ayed, décidément génial, encapsule dans un tout petit tube. Les œuvres nous font basculer d’une époque à l’autre en une seconde.
Depuis le 28 avril jusqu’au 25 juin 2022, à la Verrière, Boulevard de Waterloo 50, Bruxelles. Entrée gratuite de 12h à 18H.
Visuel © Isabelle Arthuis / Fondation d’entreprise Hermès