Expos
“Matters of Concern | Matières à panser”, la Verrière honore la terre

“Matters of Concern | Matières à panser”, la Verrière honore la terre

28 May 2019 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Depuis 2000, la Verrière-Hermès, qui fait partie du réseau international de galeries de la Fondation d’entreprise Hermès fait résonner les arts contemporains avec les questions actuelles. Pour son nouveau cycle, Matters of Concern | Matières à panser, Guillaume Désanges nous reconnecte à la terre.

C’est donc le troisième cycle sous le commissariat de Guillaume Désanges,  après Des gestes de la pensée et Poésie balistique. La tradition veut que chaque début de cycle soit comme une introduction qui se matérialise par une exposition collective rassemblant ici 24 artistes. Le fil est emprunté à Bruno Latour et à la féministe Donna Haraway, celui de porter un regard particulier sur la matière organique.

Mais qu’est-ce que la matière ? Elle est d’abord très basique, c’est la neige que les bergers du court-métrage d’ Artavazd Pelechian dévalent avec leurs moutons sur les genoux. Des extraits de ses Saisons sont des phares qui éclairent le grand socle en aggloméré qui donne à La Verrière une allure de Maison Rouge ressuscitée. Ce bloc est comme une maison sur laquelle les œuvres sont délicatement posées, certaines trônent en reines, d’autres se nichent au bord de la chute comme les géniales poupées des représentants belges à la Biennale de Venise, Jos de Gruyter et Harald Thys. Elles sont plutôt crades, et charrient un humour noir, elles, sans têtes et bancales, composées avec des tissus de rien. Si vous levez les yeux, vous serez saisis par d’autres poupées, à taille presque humaines, celles de Raymonde Acier, qui en tricot dénonce la condition féminine qui se transmet ( souvent) de mère en fille.

Si les œuvres ont toutes en commun de montrer ou d’utiliser des matériaux naturels, le sujet n’est pas forcément la nature.

Il  y a donc cet îlot central comme une île tout sauf déserte à laquelle se raccrocher et sur les murs, autour, il y a des chocs.  On voit un immense patchwork, et si on s’y attarde, on y lit des noms d’hommes morts du sida, avec des éléments rappelant leur vie. Réalisé par Fabric’art Thérapie, il sera activé le 21 juin dans les rues de Bruxelles. Ailleurs, un autre geste qui soigne, celui de la danse d’Anna Halprin qui a fondé la danse-thérapie, luttant avec réussite contre son cancer.  Et peut-être aussi, la pièce maîtresse de l’exposition, la “toile”, au premier sens du terme de Violeta Parra, très exceptionnellement sortie de sa fondation au Chili. Homme avec une guitare, une broderie sur toile de jute, est très émouvant quand on se rappelle que cette artiste, musicienne qui a fuit le Chili avant d’y retourner, s’est suicidée à 40 ans. Chez Moulène, c’est encore autre chose, la nature fabrique des clones et ils sont malmenés. Ses poupées ont l’air d’être passées par le nuage de Tchernobyl, et son roseau manque d’eau. La nature qui va mal, c’est bien sûr l’un des axes de ce cycle.

Dans cette très belle exposition collective, la beauté se niche aussi dans le très minutieux.

Il faut prendre des gants pour tourner les pages du carnet EEJ de  Odonchimeg Davaadorj qui dessine ses têtes parfois suspendues dans le vide avec une sincérité déconcertante. Dans la même veine, les coutures de Maria Laet, dans la neige ou dans la terre constituent un geste pur d’offrande à l’humanité. Et puis, presque invisible, bien à l’abri dans une capsule de verre, il y a ce “chef d’oeuvre”, au sens où l’entendent Les Compagnons, de Roland Van Huile. Son Brabançon Va de Bon Cœur est un mélange d’or, d’alliage et pierres précieuses. Sublime. Tout comme une pièce elle aussi très précieuse de part sa signature ! Les gants aux veines apparentes de Meret Oppenheim rappellent que le sang est une sève.

Un cycle qui s’ouvre donc avec génie, à voir jusqu’au 6 juillet, à la Verrière/Fondation d’entreprise Hermès 50, boulevard de Waterloo, 1000 Bruxelles. Entrée libre du mardi au samedi de 12h à 18h

Avec :

Igshaan Adams
Raymonde Arcier
Camille Blatrix
Jean-Baptiste Calistru
Gilles Clément
Odonchimeg Davaadorj
Shoshanah Dubiner
La Fabric’Art Thérapie
Jos de Gruyter et Harald Thys
Anna Halprin
Karen Kamenetzky
Corita Kent
Maria Laet
Jean-Luc Moulène
Musée du Compagnonnage de la ville de Tours
Mamadou Michel N’Diaye
Meret Oppenheim
Gina Pane
Violeta Parra
Artavazd Pelechian
Aline Ribière
Lois Weinberger

 

Visuels :© ABN

Au festival Ambivalence(s) Mathilde Delahaye monte son show à partir de Maladie ou Femmes Moderne de Elfride Jelinek
Au Kunstenfestivaldesarts, Forensic Oceanography nous plonge dans les meurtres de masse des migrants
Avatar photo
Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration