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Saison d’art 2021 de Chaumont-sur-Loire, la beauté comme antidote

03 May 2021 | PAR Laetitia Larralde

Le Domaine de Chaumont-sur-Loire propose une parenthèse enchantée entre son parc et son château avec une Saison d’art délicate. Une sublimation de la nature par l’art au cœur d’une nature maîtrisée.

Le Domaine de Chaumont-sur-Loire est prêt. La saison d’art est installée entre le parc et les différents bâtiments, et les jardins du Festival des jardins sont en place. Depuis sa position en surplomb de la Loire, le Domaine guette l’horizon du 19 mai fixé pour la réouverture des institutions culturelles. Car si la Saison d’art 2020 a été impactée dans sa mise en place par la pandémie, la Saison 2021 en a tiré les leçons pour s’adapter à un contexte toujours compliqué.

Des géants, des anges et des revenants : c’est ainsi que Chantal Colleu-Dumont, directrice du Domaine de Chaumont-sur-Loire, résume les quatorze artistes qui participent à cette belle édition 2021. Des grands noms de l’art contemporain, des œuvres à la délicatesse angélique et des artistes ayant déjà participé à la Saison d’art donc, pour soutenir la belle aspiration de cette édition : trouver un antidote à la souffrance actuelle dans l’émotion et la beauté.

Pascal Convert colonise le Domaine

Déjà présent avec ses souches de Verdun peintes à l’encre de Chine et ses Livres cristallisés installés dans la bibliothèque, objets d’une mémoire sublimée mais désormais inaccessible, Pascal Convert installe deux nouvelles œuvres dans le château. Continuant ses recherches sur le verre, on découvre une chambre cristalline figée dans sa fragilité. Un lit, des chandeliers et des miroirs dont ne restent plus que les cadres créent le décor d’un conte qu’on aurait oublié. Au rez-de-chaussée, on retrouve un monolithe de verre issu de son travail sur les vitraux de l’Abbatiale de Saint-Gildas des Bois. Trois enfants creusés dans le verre nous suivent des yeux dans un face à face troublant et scrutateur.

Le fil rouge de la Saison

La grande ligne directrice qui relie les œuvres présentées cette année est celle du fil. Colorés, métalliques, barbelés, tissés ou noués, ces fils se déploient dans le domaine avec une poésie légère et vibrante. En écho aux tapisseries, les Satellites de Sheila Hicks viennent prendre place en haut de l’escalier du château. Ses sphères de fils de lin, de laine ou de soie colorés contrastent avec la blancheur de la pierre comme une explosion de pastilles vitaminées. Dans l’Asinerie, dans la continuité du faisceau de plumes d’Isa Barbier qui reste au Domaine une année de plus, on retrouve le travail de Carole Solvay. Ses morceaux de plumes, calames ou barbes, tressés sur des fils métalliques, ondulent comme un corail ou s’envolent dans un brouhaha léger, dans deux ambiances opposées.

L’installation de Chiharu Shiota, Direction of consciousness, connecte l’homme et la nature. Elle noue des liens entre l’âme et la nature, utilisant pour la première fois du végétal dans sa création avec ce tapis d’herbe fraîche qui surprend dans la grande salle sombre du Fenil où elle s’est installée. Son tissage de fils noirs se suspend comme une toile d’araignée au centre de l’espace et projette des ombres qui nous happent et nous intègrent à l’œuvre. Symbole des connexions neuronales, les cordes noires se tendent en longs doigts vers l’herbe dans une communication entre nature et esprit que les corps des visiteurs sont invités à partager. Dans cette caverne platonicienne, les ombres ne réduisent pas le monde, au contraire, elles le démultiplient vers un infini de plus en plus petit et immatériel.

Les fils d’Abdul Rahman Katanani et Chris Drury sont plus dangereux. Le Nuage d’épines et de lichen de Chris Drury, suspendu dans un halo de lumière solitaire, évoque à la fois la vie et la mort. Champignon atomique et amanite, explosion d’épines au-dessus d’un tapis de mousse ou réseau en symbiose avec les arbres, il relie les deux extrêmes du cycle de la nature. Katanani, quant à lui, a choisi de nicher ses nids de fil de fer barbelé dans un arbre du parc. Entre protection et danger, la frontière hérissée entre le cocon et l’extérieur pousse à prendre son envol d’un nid voué à être colonisé par la nature. Les Herbes folles du vieux logis de Joël Andrianomearisoa, qui n’avaient pas pu arriver à temps l’année dernière, rattrapent le temps perdu et se mêlent à la végétation de la cour Agnès Varda.

Accent sur les arts graphiques

Autour de cette même cour se regroupent les dessinateurs. On se souvient des dessins de Joël Andrianomearisoa ou de Giuseppe Penone les années précédentes, mais c’est la première fois que les arts graphiques sont représentés de façon aussi large. Fabien Merelle, Min Jung-Yeon et François Réau déploient donc leurs dessins à des échelles allant de la feuille de papier à la totalité de la salle. L’arbre est leur point commun : Min Jung-Yeon crée une forêt mystérieuse habitée d’un oiseau trop immense pour s’envoler, François Réau place des branchages au milieu de ses nuages à la mine de plomb et Fabien Merelle se mêle et se confronte aux arbres jusqu’à en devenir un lui-même. Tous les trois partagent délicatesse et poésie pour trois façons de rêver dans la nature.

La galerie du porc-épic, nouvellement ouverte aux expositions, accueille les Phénomènes de Jean Dubuffet. Ces lithographies en noir et blanc toutes du même format, mise en page et encadrement tapissent la salle avec une régularité rigoureuse. Pourtant, les estampes parlent de variations naturelles. L’eau, le vent, la terre, le sol impriment les feuilles de leurs matières mouvantes, créant des motifs proches de l’abstraction.

La terre au bout des doigts

Commande spéciale de la Région Centre – Val de Loire, l’œuvre de Miquel Barceló, une conque de céramique, viendra s’implanter de façon pérenne dans l’un des bosquets du parc dans les semaines à venir. Safia Hijos travaille elle aussi la terre, et a colonisé deux stalles des écuries avec ses lianes de céramique émaillée. Les feuilles aux couleurs subtilement nuancées s’accrochent aux murs, rendant une ambiance de conte de fées.

Enfin, les toiles de Paul Rebeyrolle, qui pour certaines tiennent plus de la sculpture à plat, se couvrent d’une matière terreuse ou de branchages, faisant sortir le motif de la toile. Si l’énergie qui s’en dégage est indéniable, ses roses et plants de tomates ont une douceur et une matière plus attirantes, d’une retenue vibrante.

Si la promesse de la réouverture des musées au 19 mai est tenue, nous pourrons alors profiter de cette très belle édition de la Saison d’art du Domaine de Chaumont-sur-Loire, qui se double toujours d’une sensation de dépaysement vivifiante grâce à son cadre idyllique.

 

Saison d’art 2021
Du 03 avril au 1er novembre 2021
Ouverture prévue des parcs et jardins : 8 mai 21
Ouverture prévue de la Saison d’art : 19 mai 21
Centre d’art et de nature – Domaine de Chaumont-sur-Loire

Visuels : 1- Affiche / 2- Chiharu Shiota, Photo ©E.Sander / 3- Carole Solvay, Photo ©E.Sander / 4- Fabien Merelle, © F.Merelle / 5- Jean Dubuffet, Photo ©E.Sander / 6- Pascal Convert, Photo ©E.Sander / 7- Sheila Hicks, Photo ©E.Sander

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Laetitia Larralde
Architecte d'intérieur de formation, auteure de bande dessinée (Tambour battant, le Cri du Magouillat...)et fan absolue du Japon. Certains disent qu'un jour, je resterai là-bas... J'écris sur la bande dessinée, les expositions, et tout ce qui a trait au Japon. www.instagram.com/laetitiaillustration/

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