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Les voyages photographiques de Chaumont-sur-Loire

Les voyages photographiques de Chaumont-sur-Loire

28 November 2022 | PAR Laetitia Larralde

Cette année, le Domaine de Chaumont-sur-Loire fête les 30 ans de son Festival des jardins, les 15 ans de sa Saison d’art et les cinq ans de Chaumont-Photo-sur-Loire. Une édition sur les traces de photographes voyageurs.

Cet hiver, ce sont quatre photographes que le Domaine de Chaumont a invité à se pencher sur le thème de la nature et du paysage : Michael Kenna, Denis Brihat, Eric Bourret et Flore. Avec un résultat presque totalement en noir et blanc (et de nombreuses nuances de gris), les quelques 188 images nous font voyager de notre jardin au bout du monde. Tous les quatre s’inscrivent dans un temps long qui permet le voyage, la recherche, la découverte.

Ces quatre photographes explorateurs du paysage ont une pratique de leur art qui se déploie dans la durée. Celle du voyage et de l’appropriation d’un paysage, celle de la création, celle d’une carrière. Pour construire leurs photos, ils s’accordent, depuis plusieurs décennies que l’appareil photo les accompagne, le temps de trouver la composition juste, le tirage au bon rendu de matière, la façon d’exprimer leur ressenti qui leur est propre. Et ainsi, ils nous entraînent dans leurs univers respectifs très différents où le temps semble être suspendu.

Ainsi, quand on entre dans la galerie du porc-épic, les petits formats carrés de Michael Kenna, tous identiques dans la forme, tous ayant les arbres pour sujet, donnent l’impression d’un ensemble homogène faisant partie d’une même série. Mais cela fait pourtant près de cinquante ans que Michael Kenna met en scène ces arbres solitaires aux branches noires se découpant sur la neige, ces bosquets se reflétant dans un paysage brumeux ou ces forêts aux troncs bien alignés. Disséminés de la France au Japon en passant par les Etats-Unis, tous ces arbres sont pour lui comme des amis à qui il rend régulièrement visite. Il passe du temps avec eux, les observe et les sublime dans des portraits à l’élégance évanescente.

Tous les quatre, ces artistes prélèvent une partie du réel pour nous montrer comment ils voient le monde et comment leur imaginaire tisse des fictions autour ces parcelles de nature. Ils concentrent le temps dans un moment flottant et nous permettent de nous échapper loin de la réalité pour quelques instants. Le travail de Flore autour du Vietnam de ses grands-parents, qui y ont vécu en même temps que Marguerite Duras, est hautement évocateur. Chaque image, teintée au thé et cirée ou tirée sur papier japonais marouflé sur feuille d’or, a une profondeur et un velouté envoûtants qui nous projettent à une autre époque.

Regorgeant de poésie, les images de Flore ont été créées dans le cadre du Prix de Photographie Marc Ladreit de Lacharrière en partenariat avec l’Académie des Beaux-Arts (2018). Le livre qui en est issu, L’odeur de la nuit était celle du jasmin, a quant à lui reçu le Prix Nadar (2020). La photographe accorde une importance particulière à ses tirages, créant ainsi de véritables tableaux photographiques, dans la lignée des recherches de Denis Brihat, exposé dans la cour Agnès Varda.

Pour Denis Brihat, le voyage commence dans son jardin. Il observe tulipes, aulx, oignons, lichens ou kiwis et les transforme en planches botaniques en les sortant de tout contexte, suspendus sur un fond blanc. Ainsi, vus en gros plan, ils se transforment en motifs graphiques, que l’on dirait presque dessinés au crayon, et où la couleur fait surface par endroits, se jouant du noir et blanc. La nature semble ordonnée, bien alignée dans son apparent désordre, dépouillé du moindre artifice. C’est un regard entre science et poésie que nous propose Denis Brihat.

Tout comme Flore et Michael Kenna, Eric Bourret voyage à la rencontre des paysages. Partant marcher pendant plusieurs mois par an, pour les deux séries présentées ici dans les îles de Macaronésie et sur les bords de Loire, il s’immerge dans le paysage. Il recherche le ressenti physique de la nature et son rendu photographique. En superposant les prises de vues sur un même négatif, une impression de mouvement et de densité se crée, jusqu’à arriver à un motif presque abstrait. Par une image fixe, nous arrivons à nous déplacer à la suite du photographe dans ses paysages éphémères de randonneur.

Cette nouvelle saison de Chaumont-Photo-sur-Loire est un concentré de poésie du voyage. Pendant quelques heures, dans la bulle hors du temps que constitue le Domaine, les quatre photographes jouent les lapins blancs et nous emmènent dans leurs imaginaires chargés d’ailleurs, de poésie et de nature.

Chaumont-Photo-sur-Loire
Du 19 novembre 2022 au 26 février 2023
Domaine de Chaumont-sur-Loire

Michael Kenna – Arbres / Trees – 176 pages, 39€, Skira
L’odeur de la nuit était celle du jasmin – Flore et écrits de Marguerite Duras – 146 pages, 45€, Co-édition MAISON CF & POSTCART

Visuels : 1- Kussharo Lake Tree, Study 1, Kotan, Hokkaido, Japan. 2002 © Michael Kenna / 2- ©FLORE / 3- Tulipe, 1977 © Denis Brihat / 4- © Eric Bourret – PRIMARY FOREST – 2016-2019 – 5299

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Laetitia Larralde
Architecte d'intérieur de formation, auteure de bande dessinée (Tambour battant, le Cri du Magouillat...)et fan absolue du Japon. Certains disent qu'un jour, je resterai là-bas... J'écris sur la bande dessinée, les expositions, et tout ce qui a trait au Japon. www.instagram.com/laetitiaillustration/

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