
Le corps de la Mode aux docks de la mode
Les expositions de mode ont le vent en poupe, mais trouvent toujours le moyen de se différencier. Fermé pour travaux pour encore quelques mois, le musée Galliera propose, aux docks de la mode, une exposition sur le corps des mannequins. Présentée à Arles l’année dernière, cette exposition photographique propose de retracer l’évolution du corps des mannequins depuis le XIXe siècle jusqu’à maintenant. Si le concept est original, pour une fois il n’est pas question du vêtement mais bien de celles qui le portent pour le mettre en avant, l’exposition s’avère un peu plate.


Au travers des éléments exposés, c’est le rôle du mannequin, femme objet, qui est ici montré. A la fois simple support du vêtement à l’instar d’un mannequin de couturière ou de vitrine (on notera au passage qu’un seul et même mot est utilisé pour un objet et pour ces femmes porte -manteaux) mais également élément à part entière de la mise en avant du produit, certaines d’entre-elles ont acquis, à partir des années 1970, une véritable notoriété avec Twiggy puis les superstars Naomi Campbell, Claudia Schiffer, Cindy Crawford, Kate Moss ou Laetitia Casta. Ces top models, ainsi nommées pour les différencier des simples mannequins, ont été et sont toujours élevées au rang d’icônes dont certaines, à l’instar de Kate Moss, sont devenues à leur tour prescriptrices de mode. Les autres, celles qui n’ont pas réussi à percer, restent dans un anonymat confondant et sont totalement interchangeables.

Sur les premières photographies, point de mannequin professionnel, ce sont les couturières et autres modistes qui portent les créations. L’on souhaite alors avant tout montrer le tombé du vêtement sur un vrai corps. C’est à partir des années 1920 que les premiers mannequins professionnels arrivent des Etats Unis. Grandes et minces, elles incarnent déjà un corps idéal destiné à mettre en valeur le vêtement et sa coupe. Peu à peu, ces jeunes femmes, puis ces jeunes filles ont incarné une beauté féminine parfaite entièrement artificielle, stéréotypée (maquillage, retouches photographiques, chirurgie, etc.) et pourtant séductrices et pourvoyeuses de rêve tant pour les femmes de tous âges que pour les hommes, mais dans deux registres très différents.

L’exposition propose environ 120 photographies appartenant pour la plupart au fond du musée Galliera, mais également issues des magazines de mode et portant la griffe des plus grands noms comme Horst P. Horst, Erwin Blumenfeld, Henry Clarke, Helmut Newton, Guy Bourdin, Nick Knight, Corinne Day, ou encore Juergen Teller. L’on trouve également quelques objets comme des mannequins de couturières ou de vitrines, dénotant pour leur part d’une réelle évolution de la silhouette.

Cette exposition rend donc hommage à ces femmes essentielles à la diffusion de la mode. Le côté historique est parfaitement présent grâce à la succession de clichés des différentes époques. On remarque cependant que le propos concernant le statut de cette femme ne va pas au bout de ce qu’il pourrait être. La critique vis à vis de la représentation de ces jeunes femmes et surtout de leur utilisation, et parfois destruction à l’instar de Gia Marie Carangi dans les années 1980, n’est qu’esquissée avec la présence de clichés choc de Kristen McMenamy par Juergen Teller ou encore la publicité de 1978 présentant la mannequin Nicolle Meyer dans une boite, portant une robe de Charles Jourdan. La réflexion sur la valeur du corps n’est donc pas exploitée à fond, ce qui est un peu dommage. On saluera tout de même les concepteurs de l’exposition qui ont le mérite de soulever des questions trop souvent éludées sur la marchandisation des êtres pour un idéal de rêve.

Visuels : Illustrations Dossier Presse