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“Profession du père” : récit d’une enfance trompée

“Profession du père” : récit d’une enfance trompée

27 January 2021 | PAR Salome Helgoule Vallot

Adapté du best-seller de Sorj Chalandon, Profession du père raconte l’histoire d’Emile (joué par Jules Lefevbre), un petit garçon âgé de douze ans, qui se voit confié par son père la mission de sauver l’Algérie française. 

Mon père, ce héros 

Parachutiste, champion de judo, ténor ou encore conseiller particulier du Général de Gaulle, le père de Emile, incarné par Benoît Poelvoorde, est un véritable héros. Le petit garçon est fasciné par les histoires rocambolesques que son père lui raconte ; mais attention, ces aventures doivent rester secrètes. Pas question d’en parler à la mère, incarnée par Audrey Dana, qui, quand elle est malgré elle embarquée dans une de leur conversation, se contente d’acquiescer à ce que dit son mari.

Emile veut rendre fier son père. Alors, quand celui-ci lui propose de rejoindre l’OAS (organisation antigaulliste des années 60 qui voulait conserver l’Algérie française) et de fomenter un attentat contre le Général de Gaulle, Emile n’hésite pas. Sur les ordres de son père, il commence à tagguer les rues du sigle OAS et à poster des lettres de menaces. Même son parrain Ted, garde du corps de Kennedy, aurait complimenté son courage et sa ténacité à son père. Mais lentement, ce jeu complice entre le père et le fils prend une tournure sinistre. Et le film bascule quand Luca, un pied noir d’Algérie, intègre sa classe. 

La violence silencieuse

Alors que la France est secouée par l’affaire Duhamel et la question des violences faites aux enfants qui en découlent, le film Profession d’un père parle de cette violence subreptice et invisible qu’est la maltraitance psychologique. Le père, en plus de s’en prendre physiquement à Emile, le rabaisse, le manipule et le culpabilise sous le regard impuissant de la mère qui n’a pas le droit à la parole. Et tous ceux qui oseraient attenter au monde fictionnel dans lequel il a entraîné son fils sont froidement écartés. 

Jean-Pierre Améris transpose avec brio la singularité des relations familiales quand l’un des membres est défaillant. Le fils est enfermé malgré lui dans un huis-clos angoissant où la peur et l’amour s’entrechoquent violemment. Encore enfant, il ne réalise pas que son père est un menteur pathologique. Plus encore, s’il en doute parfois, l’amour inconditionnel qu’il porte à son père le pousse à n’en rien dire pour le protéger. La mère, dans le déni, accepte les mensonges de son mari et peine à briser l’illusion qu’elle s’est faite d’une famille heureuse. 

Une réalité saisissante 

Profession du père est le récit dramatique d’une enfance volée par la folie d’un père. Le livre avait d’ailleurs résonné en Jean-Pierre Améris, qui s’est inspiré de sa propre enfance pour l’adaptation cinématographique : “j’ai retrouvé dans son roman toute l’ambiance familiale, les peurs, les tensions de ma propre enfance”. Cette implication personnelle dans le projet a permis à Jean-Pierre Améris de se placer toujours du côté de l’enfant et de transmettre au public la réalité de sa souffrance.

La force de ce film repose évidemment sur la performance des acteurs qui incarnent avec subtilité des personnages complexes, mais également sur le cadre historique. La Guerre d’Algérie, qui constitue un traumatisme encore vif aujourd’hui, fait du film une rétrospective bouleversante sur la réalité de cette période. Les spectateurs n’ont d’autres choix que de se laisser entraîner avec Emile dans cet univers fictionnel dangereux où il est propulsé, et dans sa chute ensuite, quand il réalise que son père n’est qu’un fabulateur. 

Crédits visuels : ©Affiche Profession du père

 

 

 

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Salome Helgoule Vallot

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