OperaKids, un programme d’éducation populaire par le chant impulsé par l’Opéra de Limoges
Avec OperaKids, l’Opéra de Limoges aspire à décloisonner la culture classique en proposant aux enfants issus de quartiers populaires une immersion dans le monde de l’Opéra par l’apprentissage du chant et la rencontre avec des professionnels de l’art lyrique.
La genèse de cette aventure pourrait être située en 2014, lors de la rencontre entre Alain Mercier, directeur de l’Opéra de Limoges, et deux artistes, Sally Galet et Eve Christophe. L’une est compositrice, fervente adepte de la pédagogie du projet, créatrice de nombreuses œuvres pour enfants (contes musicaux notamment), l’autre une chanteuse lyrique professionnelle, pédagogue, passionnée par la transmission et le travail de recherche sur le développement de la musicalité du jeune enfant. À eux trois, ils décident de lancer le projet De Cendre et d’Or qui fait figure d’embryon de ce qu’est aujourd’hui OperaKids.
Il s’agissait alors de réinterpréter l’histoire de Cendrillon à partir de nombreuses discussions avec des groupes d’enfants. Le texte était ensuite écrit par Thomas Gornet puis mis en musique par Sally Galet. De 2015 à 2017, trois classes d’enfants de Limoges se sont attelées à l’exercice du chant et du mouvement scénique pour pouvoir offrir la mise en spectacle du projet.
“Quelle suite pour ces enfants?” voilà la question fondamentale que s’était posée Alain Mercier à la fin de De Cendre et d’Or. En un sens, OperaKids est né de cette volonté de partager sur la durée avec les enfants qui souhaitaient continuer l’aventure, une histoire commune destinée à faire bouger les lignes. Pour ce faire, les enfants sont pris en charge chaque semaine par l’Opéra et participent à des ateliers dédiés au chant, à la coordination, et au sens du rythme, en vue de plusieurs représentations finales. Certaines ont lieu dans les quartiers de Limoges, d’autres au sein de l’Opéra lui-même.
Outre cette envergure inédite, la grande nouveauté d’OperaKids par rapport à De Cendre et d’Or, c’est aussi son caractère extrascolaire. Un cadre nouveau qui suppose également des modalités de recrutement nouvelles. Ainsi, dans une perspective résolument inclusive, les équipes d’OperaKids ont décidé d’aller à la rencontre d’enfants entre 8 et 12 ans dans des associations de quartier ou des écoles pour mettre en place des “castings”. Les guillemets sont de rigueur puisque cette sélection n’a de fait pas grand-chose à voir avec l’idée conventionnelle que l’on peut se faire d’une audition. Ici, souligne Alain Mercier, “le critère du chant n’est absolument pas le plus décisif, l’essentiel pour nous c’est la motivation, la détermination de la part de l’enfant”.
Et de la détermination, il en faut, car il n’est pas toujours facile pour ces enfants d’inclure dans leur quotidien et leur environnement la pratique du chant et leur implication dans un tel projet ! Il s’agit aussi pour eux de convaincre ! Lutter contre une fatalité sociale peu encline à l’ouverture – « 60% d’entre eux n’avaient jamais mis les pieds en centre ville » rappelle Alain Mercier – voilà l’objectif et le défi d’OperaKids !
Défi de la rencontre entre plusieurs mondes. Celui de l’Opéra et des quartiers bien sûr, mais aussi celui de l’Opéra et de la diversité face aux différentes cultures auxquelles appartiennent ces enfants. Pour ces raisons, le projet de l’Opéra de Limoges s’articule aussi, et peut-être surtout, autour d’un axe éducatif. Pour qu’OperaKids réalise ses objectifs autant sur le plan humain qu’artistique , il est essentiel d’instaurer en amont et au sein des différents groupes un climat de tolérance, de solidarité et de partage. Cette démarche pédagogique permet aux enfants de prendre confiance en eux-mêmes – au départ du projet, il est évidemment particulièrement difficile pour l’enfant qui s’en sent d’emblée exclu, d’éprouver une quelconque légitimité à participer aux activités d’un Opéra -.
Avec l’objectif d’apprendre à ces enfants qu’ils peuvent aussi participer à une œuvre artistique et exercer une activité culturelle « dissonnante » (selon l’expression du sociologue Pierre Bourdieu), deux grands outils intramuros. Tout d’abord, l’accompagnement personnalisé de chaque enfant grâce à un système de parrainage par l’ensemble des équipes de l’Opéra, ensuite l’utilisation de techniques inédites (psychophonie, sophrologie) par Eve Christophe, directrice artistique du projet et coach vocal des enfants. L’enjeu primordial est bien de faire de la scène un espace où l’enfant peut littéralement se sentir à sa place. En ce sens, ce qu’OperaKids vise à faire de la voix c’est, bien au-delà de l’outil artistique, une authentique courroie d’acception de soi et d’ouverture à l’autre.
Cette année, le concert des quelques 75 enfants qui composent OperaKids aura lieu en mars prochain en collaboration avec l’auteure Marion Aubert et le compositeur Alexandros Markeas. Et on a hâte de voir le fruit de leur travail, forcément !
Crédit-photo: ©Opéra de Limoges- Steve Barek
[Publirédactionnel]