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La possible découverte d’une toile du Caravage

La possible découverte d’une toile du Caravage

09 April 2021 | PAR Camille Bois Martin

Une toile qui devait être vendue à 1500 euros à Madrid a été interdite d’exportation par le gouvernement espagnol après les hypothèses récemment émises sur son attribution au Caravage ; elle va être soumise à une expertise scientifique. De quelques milliers à quelques millions, tout repose sur des suspicions… 

À quelques heures de sa vente aux enchères, la toile dite Couronnement d’épines a été saisie par le ministère de la culture qui en a également interdit tout export. Alerté par le Musée du Prado, le gouvernement espagnol s’est impliqué dans cette transaction du fait de l’importance (financière mais aussi, et surtout, historique et artistique) du possible auteur de l’oeuvre : Le Caravage. 

Caravage, artiste incontournable de l’Histoire… et du marché de l’art

De son nom complet Michelangelo Merisi da Caravaggio, le peintre italien est né en 1571 et mort en 1630 : sa vie courte et sa production artistique n’ont cessé de passionner spécialistes et amateurs d’art contemporains comme postérieurs. La rareté de ses œuvres (on lui attribue une quarantaine de tableaux, dont certains sont encore contestés) n’a fait qu’alimenter l’augmentation de la valeur de ses toiles, d’un point de vue évidemment financier au sein d’un marché de l’art très souvent secouée par de nouvelles “découvertes”, mais aussi, et surtout, d’un aspect historique et artistique. En effet, si les œuvres du Caravage étaient déjà achetées et adulées par certains collectionneurs à la fin du XVIe siècle, le peintre était aussi grandement critiqué.

Le Caravage a rompu avec le principe d’idéalisation ambiante de son époque qui accompagnait le maniérisme du début du XVIIe siècle, au profit d’une nature crue, sans édulcorant ou artifices, “dal naturale“. Ses compositions ne sont pas inondées de lumières ou de couleur comme nombre de ses contemporains mais s’organisent au sein d’un cadrage serré, souvent coupé à mi-corps, développant un éclairage en clair-obscur qui lui permettait d’amplifier les effets naturalistes (ci-dessus, L’incrédulité de Saint Thomas, huile sur toile, 1601-1602, 107×146 cm, Palais de Sanssouci de Potsdam, Allemagne). Il travaillait avec une palette à la gamme chromatique très restreinte mais qui ne perdait pas son efficacité ; si les fonds sont neutres, les corps et expressions faciales sont affectés, transcendés, appliqués.

L’artiste a influencé toute une génération de peintres, sans jamais avoir réuni d’atelier ou d’école, à la différence de ses contemporains ; il peignait souvent seul, voire secrètement, et ne cherchait pas à sa transmettre sa pratique artistique. Et, si beaucoup d’artistes postérieurs se revendiqueront de son école, de telles associations restent encore aujourd’hui trop floues ; de plus, Le Caravage ne signait pas ses œuvres… De telles problématiques ont ainsi donné lieu à de nombreuses spécialisations dans le monde de l’art et de son marché – dernière en date, la vente du tableau Judith décapitant Holopherne (ci-dessous ; huile sur toile, 1598–1599, 145x195cm, Galerie nationale d’art ancien, Rome) retrouvé dans le grenier d’une maison près de Toulouse en 2014, et attribué depuis au maître italien puis estimé à plus de 120 millions d’euros, malgré les réticences encore actuelles de nombreux spécialistes du peintre.

Pour un doute, une vente en déroute 

Attribuée à un peintre anonyme de l’École de José de Ribera du XVIIe siècle, la mise aux enchères de cette toile estimée à environ 1 500 euros par la maison de vente madrilène Ansorena ne semblait pas, jusqu’à quelques jours, poser de problème. Pourtant, dès lors que des doutes l’attribuant au Caravage se sont multipliés, la vente a été suspendue par l’intervention du gouvernement lui-même, et pourrait aujourd’hui atteindre plusieurs millions d’euros. 

Les premiers à questionner l’identité présumée de l’auteur sont les spécialistes d’anciens maîtres européens (et notamment du Caravage) Marco Voena et Fabrizio Moretti, qui se sont déplacés jusqu’à Madrid pour observer personnellement l’oeuvre qui n’avait alors qu’une valeur de quelques 1 500 euros. L’historienne d’art Maria Cristina Terzaghi considère elle que ce tableau est le fameux Ecce Homo, titre auquel on a pourtant déjà attribué une autre toile au peintre mais dont on estime avoir perdu l’original. 

Interdit de sortie et confiné à être étudié sous tous ses aspects, le Couronnement d’épines rouvre l’étude d’un des plus grands maîtres de l’histoire de l’art dont la biographie et la production ne cessent d’être analysées, des centaines d’années après. 

Visuel d’en-tête : Attribution-NonCommercial-ShareAlike 2.0 Generic (CC BY-NC-SA 2.0)

2nd visuel :© Artrenewal.org, Picture n°3757

3e visuel : © Michelangelo Merisi da Caravaggio – Judith Beheading Holofernes – WGA04102.jpg

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Camille Bois Martin
Étudiante en Master de Journalisme Culturel (Sorbonne Nouvelle)

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