Opéra
Nadja Mchantaf, frémissante Rusalka à Berlin

Nadja Mchantaf, frémissante Rusalka à Berlin

17 October 2016 | PAR Nicolas Chaplain

A la Komische Oper de Berlin, la reprise de Rusalka, la production créée en 2011 mise en scène par Barrie Kosky, dont on avait beaucoup aimé Castor et Pollux, permet d’entendre Nadja Mchantaf, une jeune soprano formidable dans le rôle-titre.

Barrie Kosky fait le choix légitime de figurer l’intrigue de Rusalka dans une esthétique folklorique de contes de fées nordique. Il assume ainsi l’aspect artificiel et peu subtil des personnages  caricaturaux, des costumes pittoresques et attendus, C’est donc naturellement que Rusalka apparaît avec une queue de sirène et se déplace en rampant. Les trois nymphes des bois, des chipies hystériques, agitent leurs nattes blondes, se chamaillent, dansent avec une canne à pêche et s’adonnent à des jeux érotiques convulsifs avec un poisson en plastique. La méchante sorcière Jezibaba, cheveux bruns tirés en chignon et visage pâle est engoncée dans une robe sombre froufroutante et caresse son (faux) chat noir. Munie d’un hachoir, elle découpe la queue de la  sirène, lui ôte l’arête dorsale et la rend ainsi humaine.Des chimères et des créatures surnaturelles, des têtes de mort, des squelettes de femmes-poisson, traversent le plateau. Ces silhouettes font plus penser à une fête déguisée potache qu’à un conte féerique. L’ensemble carnavalesque finit par lasser car il y manque le mystère et l’indicible portés par la musique, très belle, sombre, grandiose et dansante, dirigée avec fougue par Henrik Nánási.

Cette Rusalka d’Antonin Dvorják révèle à nouveau les qualités du directeur d’acteurs Barrie Kosky qui s’empare de la cruauté des situations et électrise les corps des chanteurs, toujours en jeu, en tension. il obtient des interprètes cet engagement physique admirable et délectable si caractéristique de son travail. Survoltés et outranciers, ils courent, se jettent brusquement au sol et contre les murs. La première rencontre sensuelle et sauvage entre le Prince et Rusalka, qui tente de le déshabiller maladroitement, est très réussie. Certains clins d’œil personnels amusent : la silhouette longiligne et bigarrée de la princesse étrangère interprétée par Ursula Hesse von den Steinen rappelle celle de Rossy de Palma chez Almodóvar. Campée sur des hauts talons et vêtue d’une tunique chinoise fendue laissant entrevoir ses portes jarretelles, elle fume une pipe.

Si la prestation de Timothy Richards en Prince déçoit par son manque de vaillance, celle de Jens-Erik Aasbø dans l’Esprit du lac est superbe, très émouvante et humaine. La jeune soprano allemande Nadja Mchantaf, que les berlinois ont adorée dans Cendrillon de Massenet est formidable. Sa voix ronde, épanouie et charnelle émeut. Ses aigus faciles et précis saisissent. Fébrile et fiévreuse, elle incarne avec grâce et ardeur le désir profond, le trouble et le désenchantement de la jeune ondine.

A la Komische Oper de Berlin, le 15 octobre 2016.© Iko Freese | drama-berlin.de

L’art entre science, fiction et composition : Rencontre avec Robin Meier
Le voile de la vérité : Hearing de Amir Reza Koohestani
Nicolas Chaplain

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration