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L’art entre science, fiction et composition : Rencontre avec Robin Meier

L’art entre science, fiction et composition : Rencontre avec Robin Meier

17 October 2016 | PAR Yaël Hirsch

C’est dans une gare (Austerlitz) et pendant la FIAC que le grand public français a rencontré le travail de Robin Meier à l’automne 2015 pour la performance de Pigeons musiciens “Songs for Ghost travelers”. Alors qu’il s’apprête à adapter ce happening pour la biennale de Shanghai, c’est dans une gare (de l’Est) que nous le rencontrons. Portait d’un artiste complet qui travaille avec le son et le passé pour interroger nos projections et notre avenir.

D’origine suisse allemanique et sri-lankaise, basé à Paris longtemps et puis désormais à Rome, musicien de formation (il travaille avec l’Ircam depuis 10 ans), Robin Meier transporte ses installations aussi imposantes que questionnantes dans le monde entier. Le dispositif Synchronicity, par exemple, qui met en branle une symphonie muette d’illuminations de lucioles à partir d’un éclairage rythmé de leds leaders, a été montré pour la première fois dans une forêt en Thaïlande et puis repensé pour entrer dans le cadre très urbain de la foire de Bâle en 2015.

Synchronicity (Thailand) TRAILER from Robin Meier on Vimeo.

De même, Ghost Travelers voyagera de Paris à Shanghai. Dans cette installation commissionnée par Mouna Mekouar en off de la FIAC 2015, Meier pose des sifflets sur les queues de 12 pigeons – qui sont à la fois des rats indésirables et des oiseaux messagers rares et délicats- et étudie les entrées et sorties des trains en gare d’Austerlitz. A ces deux partitions, il ajoute celle d’un petit orchestre et envoie au public un concerto millimétré pour oiseau, où nature et technologie cohabitent. Mais où joue aussi le facteur hasard d’une annonce urgente des haut-parleurs ou du retard d’un train. Et il va transformer grandement cette expérience pour Shanghai :  Pas de train prévu pour le bâtiment Power Station of Art de Shanghai (PSA, les usines Peugeot) mais  beaucoup plus de pigeons et une partition qui se modifie sans transformer les questions de fond : “Dans mon travail, il y a toujours un lien entre la technologie et l’animal ou l’humain. J’interroge l’interaction entre l’intelligence, l’environnement et le comportement“, explique-t-il.

Song for Ghost Travelers from Robin Meier on Vimeo.

Lui qui fait chanter des chants traditionnels indiens à des moustiques ou s’illuminer des lucioles qui prennent des leds pour leurs comparses a un deuxième projet pour Shanghai. Il s’agit de Fossil Records, qui réanime le son d’un fossile trouvé en Chine (!) il y a 250 millions d’années. Avec l’aide d’un ingénieur dont il a suivi les publications, Robin Meier propose donc de reproduire le bruissement des ailes d’un fossile très ancien et de graver le résultat sur un Vinyle en métal. A l’heure où l’on envoie un vinyle sans l’espace comme une bouteille à la mer qui pourrait être retrouvée par un autre système que le système solaire dans des centaines de millions d’années, Robin Meier fait revivre le message musical des ailes d’un insecte mort il y a 250 millions d’années. Et évidemment, en fonction des hypothèses physiques sur les ailes et leur frottement, il y a des variations et donc infiniment de musiques possibles…

Très poétique mais toujours scientifique, le travail de Robin Meier n’est jamais coincé dans l’aura du passé. Juste avant de sauter dans un train pour aller participer à une création musicale dans un festival electro de la banlieue de Stuttgart, il confie qu’il a glissé de la composition à l’art plastique en interrogeant le rôle de l’intelligence artificielle. Savoir comment fonctionne et comment va fonctionner le cerveau pour le confronter au “devenir des règles naturelles sous-jacentes à la civilisation”, c’est toute la recherche de Robin Meier.

visuels : (c) Robin Meier

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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