Opéra
Nabucco, le triomphe de la musique

Nabucco, le triomphe de la musique

13 November 2018 | PAR Laetitia Larralde

Chaque automne depuis quelques années l’Opéra National de Lyon et le Théâtre des Champs-Elysées proposent un opéra en version concert.

Après Attila l’année dernière, c’est au tour de Nabucco de Verdi, premier grand succès du jeune compositeur, monté à la Scala de Milan en 1842. Le royaume de Lombardie-Vénétie, alors sous le joug de l’Empire autrichien, accueillit l’histoire de ce peuple hébreu privé de sa patrie avec un enthousiasme patriotique qui relégua au second plan l’aspect religieux de l’œuvre. Basé sur un drame d’Auguste Anicet-Bourgeois et Francis Cornu, le livret de Temistocle Solera se place dans le contexte de l’Ancien Testament. Les Hébreux, battus par le roi Nabuchodonosor (Nabucco), sont en exil à Babylone. Nabucco, païen cruel, a deux filles, Fenena et Abigaïlle, toutes les deux amoureuses du même ennemi, Ismaël. Fenena se convertit au judaïsme pour suivre son amour tandis qu’Abigaïlle, qui découvre être en réalité fille d’esclave, jure de se venger de sa sœur et de son père. Nabucco, pris de délires mégalomanes, est foudroyé par Dieu, et Abigaïlle en profite pour s’emparer de la couronne et condamner les Hébreux et sa sœur.
Si l’amour est présent, dans l’idylle d’Ismaël et Fenena ou la passion contrariée d’Abigaïlle, il est relégué au second plan. Car Nabucco est avant tout une histoire de pouvoir. Celui de Nabucco, roi guerrier victorieux ivre de sa puissance au point de vouloir remplacer Dieu, celui d’Abigaïlle, dévorée d’ambition et de vengeance, et celui de Dieu, s’abattant sur Nabucco. Le pouvoir change de mains, détruit ceux qui le détiennent, jusqu’à ce que tous se rallient en paix sous la même autorité divine.

Voir un opéra en version concert n’est pas un exercice aisé. Sans l’aide des costumes et des décors, l’histoire est plus difficile à appréhender, mais l’attention de reporte alors sur la musique, unique protagoniste sur scène. L’orchestre, habituellement caché en contrebas de la scène, s’intercale entre le chœur et les solistes pour former visuellement une entité musicale, renforçant ainsi l’attention portée à la musique et à sa mise en oeuvre. Le procédé nous permet de voir le travail impressionnant du directeur Daniele Rustioni, véritablement habité par la musique. On le regarde vivre chaque note intensément de façon très physique, transmettant au chœur, à l’orchestre et au public une énergie galvanisante.
Les solistes, emmenés par les voix puissantes d’Anna Pirozzi dans le rôle d’Abigaïlle et d’Amartuvshin Enkhbat, soliste principal de l’Opéra de Mongolie en Nabucco, sont emportés par leurs rôles et au début assez statiques, ils deviennent physiquement de plus en plus expressifs. Bien qu’ils fassent preuve d’une grande maîtrise de leur voix, insufflant variété d’émotions, les solistes sont éclipsés par le chœur dans les passages qui lui sont dédiés. L’ensemble porte des morceaux comme le Va, pensiero avec émotion et nuance, se plaçant comme un protagoniste, certes humble, mais essentiel à la pièce.
Salué chaleureusement par la foule, ce Nabucco nous a emportés dans un déchaînement de passions, adoucies par l’amour filial et la pondération apportée par la foi. Un opéra où la politique et la violence déchirent les peuples, en résonance avec le contexte mondial actuel.

Nabucco, de Giuseppe Verdi
Théâtre des Champs-Elysées, 9 novembre 2018
Par l’orchestre et le chœur de l’Opéra National de Lyon

Visuel : Daniele Rustioni et l’Orchestre de l’Opéra de Lyon © Blandine Soulage

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Laetitia Larralde
Architecte d'intérieur de formation, auteure de bande dessinée (Tambour battant, le Cri du Magouillat...)et fan absolue du Japon. Certains disent qu'un jour, je resterai là-bas... J'écris sur la bande dessinée, les expositions, et tout ce qui a trait au Japon. www.instagram.com/laetitiaillustration/

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