Au Théâtre des Champs Elysées, un réjouissant kaléidoscope baroque.
Le Concert de la Loge, sous la direction de Julien Chauvin, offre un concert impeccable qui dresse un portrait du plus mal connu des compositeurs célèbres, Vivaldi et où brille la mezzo-soprano Eva Zaïcik.
Julien Chauvin dirige, depuis son violon, l’excellent ensemble, jouant sur instruments anciens, Le Concert de la Loge, qu’il fonda en 2015 dans la ligne historique du Concert de la Loge Olympique fondé par le Comte d’Orgy. Dans le cadre de la 48ème saison des concerts du dimanche matin, il offre un programme varié où les brillants concerts pour solistes RV 225 et RV 226 dialoguent avec les Concerti a Quattro comme le délicat “Per Monsieur Pisendel” dédié à cet élève qui créa quelques pages de Bach. La direction est très subtile, tout autant dans l’émotion des Largo que dans les délicats mouvements joués pizzicati.
Quant à elle, la mezzo-soprano Eva Zaïcik , que l’on a pu entendre auprès de William Christie, enchante par son timbre tout à la fois puissant et rond. Son entrée en scène pour le magnifique “Sovente il sole” extrait d’Andromeda Liberata est purement théâtral. Elle est déjà dans le rôle, altière et mélancolique à la fois. On peut regretter, peut-être, que quelques notes graves soient encore mal assurées, rendues peu audibles par la force de l’orchestre. Il n’en demeure pas moins vrai qu’elle est certainement l’une de plus belles voix baroques aussi à l’aise dans les ornementations baroque improvisées que dans la retenue et la rigueur du “Gemo in un Punto e frémi” par exemple.
Un concert tout autant didactique que poétique
Le programme du concert permet d’entendre plusieurs facettes du prêtre roux de Venise et c’est là, certainement, l’une de ses qualités. On entend tour à tour des concerti pour violon comme la célèbre “Sinfonia Alla Rustica” et des airs de quelques uns des vins-deux opéras du maître qui s’enorgueillit d’en avoir écrit près de cinq fois plus. Si ce choix, somme toute traditionnel, est ici intéressant, c’est que chaque oeuvre par son tempo, sa couleur, sa tonalité semblent apporter une pierre de plus à l’édifice érigé en l’honneur de Vivaldi. Loin des Quatre saisons, on entend ici une oeuvre complexe, sombre, révoltée, angoissée parfois mais aussi portée par un espoir dans le triomphe de la beauté.
Il en va de même avec les extraits des opéras donnés La Griselda, Argippo, L’Olimpiade. Un air de fureur suit un air de vengeance puis un autre de lamentation. La dramaturgie du programme se relève brillante, d’une grande finesse d’analyse et permet de parcourir (rapidement bien sûr, et sans exhaustivité sans doute) l’immense richesse de Vivaldi.
Les bis à eux seuls donnent une image du concert dans son ensemble. Julien Chauvin, après s’être assuré, non sans humour, que nous désirions encore entendre de la musique, nous promet donc deux airs. Il nous explique alors que ce seront par les deux instruments de prédilection du grand Vénitien : la voix et le violon. Le concert se termine donc par un même air du Giustino : une première fois par Eva Zaïcik qui nous a ému aux larmes puis par une version au violon par le toujours si délicat Julien Chauvin. Si les deux morceaux sont donnés séparément, ils ne semblent ne faire plus qu’un dans nos mémoires.
Et l’on sort du Théâtre des Champs-Elysées s’étonnant de ne pas être sur le Grand Canal et que les gondoles soient restées à Venise.
visuel (c) LL