Cinema
[Compétition] « The Lobster » : un casting de rêve pour un cauchemar réussi par Yorgos Lanthimos

[Compétition] « The Lobster » : un casting de rêve pour un cauchemar réussi par Yorgos Lanthimos

15 May 2015 | PAR Yaël Hirsch

Pour son nouveau film, le réalisateur grec propose une production internationale et garde un talent incroyable pour l’enfermement qui terrorise… Cette fois-ci, le pitch, c’est la société trop aveugle pour sortir l’amour des cases administratives. Battants ou battus, dans tous les cas, les célibataires  sont des bêtes qu’on abat… Une dystopie esthétique et perchée qui peut rafler un prix à Cannes.

[rating=4]

Dans un futur proche qui prend les contours d’un hôtel chic, toute personne célibataire, même veuve, est forcée de séjourner 45 jours pour trouver l’âme soeur. Passé ce délai, si elle ne parvient pas à s’accoupler, elle sera transformée en l’animal de son choix. Accompagnant son frère transformé en chien, le héros (Colin Farrell, méconnaissable) est un architecte élégant et propre sur lui. En cas d’échec, il choisirait de devenir un homard (a Lobster) car ce sont des animaux qui vivent cent ans et qu’il aime la mer… Mais le destin en décide autrement et il parvient à s’enfuir vers les bois pour rejoindre les “solitaires”. Là, il ne trouve pas non plus sa voie, puisque cette liberté aux marges de la société interdit l’amour, le sexe et la vie en couple. Sa rencontre avec une jolie myope (Raquel Weisz) le met en danger…

En couple ou célibataire ? Hétérosexuel ou homosexuel? Les cases rigides et fatales de la société, que Yorgos Lanthimos imagine au futur, résonnent fort avec notre monde à nous. Avec des images époustouflantes, un son de cordes lancinantes, un couple qui a de faux airs de Bogarde/Rampling, Lanthimos conjugue la science-fiction au passé avec une grande maestria. Egal à lui même dans son étude filmée de la cruauté, il continue de faire de l’animal le point de jonction dérangeant entre un homme déshumanisé et une société qui passe à la moulinette toutes les émotions en effaçant les spécificités. On rit jaune dans cette œuvre résolument politiquement incorrecte, et l’on se demande si le réalisateur nous propose une fable morale ou au contraire une plongée gratuite et grinçante dans un univers sophistiqué. Malgré quelques longueurs aux 2/3 du film, on adhère et on souhaite un Prix Cannois pour le scénario ou bien la mise en scène, à ce film résolument original.

The Lobster, de Yorgos Lanthimos, avec Colin Farrell, Rachel Weisz, Jessica Barden, Olivia Colman, Ashley Jensen, Ariane Labed, Angeliki Papoulia, John C. Reilly, Léa Seydoux, Michael Smiley, Ben Whishaw, 2015 – Irlande/Angleterre/France/Grèce/Pays-Bas, 1h58. Festival de Cannes 2015 – En compétition. Distribution France: Haut et Court.

Retrouvez tous nos articles sur le 68ème festival de Cannes dans notre dossier Cannes 2015.

Visuels : (c) DR

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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