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Cinéma : un film sur le foot entre deux matchs ?

Cinéma : un film sur le foot entre deux matchs ?

11 June 2014 | PAR Olivia Leboyer

Soyons honnêtes : entre le 12 juin et la mi-juillet, nous n’allons pas voir beaucoup de films, nous allons vivre au rythme des matchs. Pourquoi ? Parce que le foot, c’est beau comme un film. D’ailleurs, quelques bons films ont justement pris le foot pour sujet. Si jamais, entre deux matchs, trois analyses et cinq bières, vous avez deux heures à tuer pour voir un film sur le foot, voici quelques idées.

Dans un match, il y a tous les ingrédients d’un film, et il y en a pour tous les genres : des acteurs qui en font des tonnes, simulant des blessures ou distribuant des coups de boule, façon comédie italienne; des rythmes mous comme dans les bons vieux nanars ; des suspens insoutenables dans les tirs au but, dignes des meilleurs thrillers; les trognes incroyables des entraîneurs et les soupçons de corruption, nous sommes dans Le Parrain ; l’épisode du bus de la honte et nous sommes dans le cinéma de l’absurde (cette scène et le coup de boule de Zidane, on peut se les repasser en boucle, l’effet est toujours garanti); de grands metteurs en scène (cette année, Scolari ? Joaquim Löw ?); des gestes fabuleux (Garrincha, Pelé, la Hollande de 1974, le Platini de 1982, le Iniesta de 2010, etc.), et c’est un chef d’œuvre, la poésie du foot, qui s’impose malgré tout.

Le football au cinéma n’est jamais un simple prétexte. Comme l’a joliment dit Eric Cantona dans son documentaire Looking for Rio, le foot possède la force d’une métaphore et permet de parler de tout : des problèmes de société, du racisme, des inégalités, de l’énergie vitale. Quitte à voir un film sur le foot, autant en voir un avec Cantona dedans : c’était un footballeur de génie et c’est aussi un poète et un excellent acteur (L’Outremangeur de Thierry Binisti, et récemment dans Les Mouvements du bassin de HPG). Avec Looking for Eric, Ken Loach a réalisé un film social et un vrai film de fan, chaleureux, vibrant et humaniste. L’émerveillement du supporter anglais de Cantona, le caractère si spécial de ce joueur, le foot anglais né de la culture ouvrière, tous ces petits liens sont montrés avec intelligence, malice et bienveillance. A voir à l’heure du déjeuner, entre amis, pour parler foot et politique, en mangeant des fish and chips.

La Coupe du Monde ayant lieu au Brésil, vous pourriez aussi découvrir L’année où mes parents sont partis en vacances de Cao Hamburger (2007). Pendant la Coupe du Monde de 1970, les parents de Mauro « partent en vacances » sans lui : en réalité, ils fuient la dictature. A voir tout seul un dimanche matin, par exemple.

Toujours sur le Brésil, Une famille brésilienne de Walter Salles (2008) est une chronique attachante, qui sonne juste. A voir en famille, en milieu d’après-midi, avec des gâteaux.

Dans un esprit de détente, pourquoi ne pas revoir le rafraîchissant Joue-la comme Beckham de Gurinder Chadha (2002) ? Ici, le foot aide une jeune Anglaise d’origine indienne à s’affirmer. Leçon de vie, esprit sportif et rebelle, hymne à la tolérance… A voir avec des amies, ou avec David Beckham en slip.

Pas de snobisme qui tienne : rien que pour la coupe de cheveux et les dribbles décalés de Gad Elmaleh, vous pouvez voir Les Seigneurs d’Olivier Dahan (2012). A voir en groupe, avec beaucoup d’alcool, des ciseaux et du gel pour un very bad trip capillaire.

Si vous aimez Zidane, optez pour Zidane, un portrait du XXIe siècle de Philippe Parreno et Douglas Gordon (2006), titre ronflant mais film intéressant.

Pour nous, s’il fallait en choisir un seul, nous nous passerions en boucle l’hilarant et classe Substitute de Fred Poulet et Vikash Dhorasoo (2007). Entre l’intérieur (la déprime tranquille de Vikash, sélectionné pour le Mondial 2006 en Allemagne, mais abonné au banc, éternel remplaçant) et l’extérieur (son ami Fred Poulet le filme de loin, à travers les barbelés, silhouette nonchalante), circule un esprit profondément frondeur : une énergie étonnante, perdue pour le foot ici, puisque Vikash n’a pas joué (alors que la France est allée en finale !), mais gagnée pour le cinéma. La déception, le vague-à-l’âme sont filmés avec poésie et humour. L’absurdité du jeu, et de l’existence en général, apparaît clairement. Si le foot agit comme une métaphore, il est souvent à l’image de la vie : absurde. Et, chez Dhorasoo, c’est une absurdité souriante, cool et chic. Si Substitute est imprégné d’une tristesse douce, il est hallucinant de voir que cette année-là la réalité a dépassé les projections : le coup de boule de Zidane a ponctué le Mondial, et ce film, donc, en un point d’orgue parfaitement absurde. Le film parfait pour une belle fin de nuit « spleen du foot ».


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Olivia Leboyer
Docteure en sciences-politiques, titulaire d’un DEA de littérature à la Sorbonne  et enseignante à sciences-po Paris, Olivia écrit principalement sur le cinéma et sur la gastronomie. Elle est l'auteure de "Élite et libéralisme", paru en 2012 chez CNRS éditions.

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