
Rêve d’automne de Patrice Chéreau au Théâtre de la Ville
Le temps sublimé de Patrice Chéreau
Un bouleversement infini, c’est ce qui attend tout spectateur « de Rêve en automne » de Jon Fosse, crée au Louvre dans le cadre de la présence de Patrice Chéreau comme artiste invité, et à l’affiche depuis le 4 décembre au théâtre de la Ville, transformé en Louvre. Un texte sensible, une mise en scène grandiose, un décor à couper le souffle , des comédiens magistraux. Rêve en automne est le rendez-vous inratable de la saison 2010-2011.
Une femme âgée ère dans les salles rouges du Louvre, elle semble en chemise de nuit, elle ne parle pas mais sa présence glace autant qu’elle fascine. Un homme surgit, valise à la main, puis une femme affolée surgit. Ils se retrouvent « là » par hasard mais se sont déjà connus. Quand ? Comment ? Les éléments se brouillent. Ce « là » n’est pas le musée qui s’offre à nos yeux incrédules , mais un cimetière où l’on doit enterrer une vielle dame. Celle que nous avons vu marcher. C’était donc son âme.
Des personnages tournent autour de ce couple reconstitué. Tous font parti de la famille de l’homme. Qui sont les vivants, qui sont les morts ? Devant un tableau du christ en piéta, les hommes s’allongent et les femmes restent debout, gardiennes de la vie. Chéreau confond le temps et l’espace, le ciel et la terre, le passé et le présent. Mais aussi les sentiments. L’amour se conjugue avec la haine, le désir avec l’abstinence.
Jon Fosse raconte une histoire au fil en apparence simple, celui des rapports humains, dans les liens amoureux et familiaux. Les trois temps soulignés par l’auteur appuient sur les émotions , la vie et la mort. Il insiste sur des instants clés et fait parler les coeurs. Que se passe t-il au moment d’une rencontre pour chacun? C’est la question de la transmission entre les générations qui se détache de ce texte. L’écriture hachée renforce nettement la sensation de temps chamboulé.
Dans ce rêve où la musique envoute l’espace, Valeria Bruni Tedeschi et Pascal Gregorry forment un couple tant séduisant que fascinant. En brouillant la chronologie et la relation au réel, Chéreau touche à l’essence même de l’humanité. Il faut tenter de vivre, dans les méandres de la complexité, face à la mort qui rôde.
Chef d’œuvre.
Théâtre de la Ville, 2 place du Châtelet, du 4 décembre au 25 janvier 2011, places disponibles à partir du 18 décembre, de 33 à 24 € , 01.42.74.22.77
Extrait
« LA FEMME
Pour que la vie continue
pour que les maisons et les rues et les villes s’emplissent
pour que les gens meurent dans la peur et la douleur et le désespoir
pour que les gens se serrent les uns contre les autres dans le désir et la douleur et la peur et que d’autres enfants qui disent que les jolis noms sont toujours tristes puissent naître dans la peur et la douleur et le désespoir
Et au-dessus de tout ça il y aurait donc ce que nous appelons l’amour si insupportablement incompréhensible
si impossible à définir
mais il existe nous le sentons bien
C’est bien dans l’amour que nous sommes là tout seuls et ensemble
Nous le savons tous les deux Nous le savons
Peut-être est-ce l’amour qui sauve les morts peut-être. »
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10 thoughts on “Rêve d’automne de Patrice Chéreau au Théâtre de la Ville”
Commentaire(s)
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Valerie
Bouleversement est le mot juste !! Bouleversée par le thème de la pièce, et par le jeu des comédiens ! Chéreau met en scène la vitesse foudroyante du passé…Un spectacle rare !