Marionnette
Pinocchio(live)#2, le grand renversement d’Alice Laloy au Festival d’Avignon

Pinocchio(live)#2, le grand renversement d’Alice Laloy au Festival d’Avignon

11 July 2021 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Au Festival d’Avignon, la metteuse en scène et marionnettiste Alice Laloy s’empare de l’histoire si connue de Pinocchio pour la faire sienne dans un grand renversement hypnotique. Un vrai tout public à partir de 8 ans.

Dépasser le genre

Nous avons découvert Alice Laloy en janvier 2021 lors de Death Breath Orchestra, un spectacle sur le souffle dans lequel les comédiens étaient accompagnés de leur double, trait pour trait en marionnette. Ici nous découvrons qu’elle peut aller plus loin.

En 2019, elle créé Pinocchio Live à la Biennale internationale des Arts de la Marionnette à Paris. À l’invitation du Festival d’Avignon, elle recrée une V2 du spectacle avec les enfants danseurs du Centre chorégraphique de Strasbourg (Pierre Battaglia, Stefania Gkolapi, Marta Havlicek, Romane Lacroix, Maxime Levytskyy, Rose Maillot, Charlotte Obringer, Nilsu Ozgun, Anaïs Rey-Tregan, Edgar Ruiz Suri, Sarah Steffanus, Nayla Sayde) et les élèves de la classe d’art dramatique du Conservatoire de Colmar (Alice Amalbert, Jeanne Bouscarle, Quentin Brucker, Esther Gillet, Léon Leckler, Mathilde Louazel, Antonio Maïka, Jean-Baptiste Mazzucchelli, Louise Miran, Valentina Papic, Nina Roth, Raphaël Willems) et Norah Durieux, Elliott Sauvion Laloy. Ils sont donc 22, 22 sur un petit plateau bi-frontal. À Avignon le spectacle se déroule dans l’étroit gymnase du lycée Saint-Joseph, aux gradins très serrés. Disons que l’inconfort est là et que cela va parfaitement bien à l’univers de cette marionnettiste de génie.

Upside Down

L’idée est de désanimer le vivant. D’aller du vivant vers le pantin. Gisèle Vienne fait cela en ce moment dans l’Etang, faudrait-il y voir une tendance ? Tout commence par l’arrivée de dix gosses au volant d’une espèce de machine fantastique pleine de sons. Ils la couvrent de percussions et autres trucs à faire du bruit. On peut déjà le dire ici, nous sommes dans du théâtre d’objet, sans paroles (ou alors très très peu). Ces enfants pleins de vie vont vite disparaître et de jeunes adultes, platform shoes en bois aux pieds et blouse de travail vont installer leur atelier. Nous comprenons qu’ils sont tous des Geppettos et que les enfants seront bientôt tous des Pinocchios.

Ce qui intéresse Alice Laloy n’est pas l’histoire, elle ne pose pas la question du mensonge mais celle de la transformation. Celle qui fait passer d’un état à un autre. Les enfants, tous incroyablement doués et déjà si pros, sont “manipulés” comme s’ils étaient en bois. Cela donne des corps posés sur des tables, les bras pliés en angles, les nuques lâches. C’est étrange, c’est bizarre, c’est fascinant. 

Grandir

Dans cette transformation elle vient dire l’acte de grandir. Il est très étonnant de voir des enfants, des adolescents et neuf adultes ensemble. Normalement, ce sont trois mondes qui ne se croisent pas. En directeurs d’ateliers, deux ados, en Pinocchios, des mômes, en Gepettos, des jeunes adultes. En montrant cela, Alice Laloy montre la mort. Elle montre un humain qui grandit et qui va vers la fin, comment arrêter cela ? En se figeant peut-être. C’est bien cela que raconte le conte, non ? 

La pièce interroge donc non stop ce que veut dire être un humain. Est-ce une question d’allure ? Inversement, qu’est-ce qu’un pantin ? Forcement du bois ? N’est-ce pas là l’éternité ? Sans tout vous dire, vous serez éblouis par la prouesse technique, vous n’en croirez pas vos yeux.

La pièce s’adresse aux enfants à partir de 8 ans, car c’est l’âge où ils prennent conscience de tout cela, de l’acte de grandir. C’est l’âge où ils s’amusent à se transformer en grands. À se changer en autres choses. Mais le spectacle est tout à fait, et même totalement, adapté aux adolescents et aux adultes.

Du 9 au 12 juillet – Gymnase du lycée Saint-Joseph. Durée 1H10

À Paris l’été du 16 au 21 juillet, et au Théâtre 71, au festival M.A.R.TO les 18 et 19 mars.

Visuel : © Christophe Raynaud de Lage

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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