Notre besoin de consolation, le chef d’œuvre de Julie Bérès transcende la folie scientifique au Théâtre de la Ville
Partir du réel pour glisser dans le fantasmagorique. C’est le pari plus que réussi de Julie Bérès qui signe l’une des mise en scène les plus innovantes de 2010. Dans l’esprit de Joël Pommerat et Andréas kriegenburg, elle donne à voir un décor-corps et des comédiens acrobates. Notre besoin de consolation est la révélation de la rentrée. Un spectacle indispensable à la scénographie magistrale sur la place de la science dans les sociétés occidentales.
Le spectacle ouvre sur un homme dont seul le visage est éclairé, il pleure comme un bébé. Dans le haut du décor, un homme est assis face à une glace, il fait des recherches sur internet. Il semble suspendu. On découvre peu à peu le décor fou de Notre besoin de consolation. Il se gonfle, devient toboggan puis anguleux. Les lumières incroyables font jaillir du noir des mannequins de cires et des comédiens. Ils s’emmêlent et se confondent. Brouiller le réel, c’est bien le propos de ce spectacle.
Du clonage aux mères porteuses, Julie Bèrés pose les questions éthiques soulevées par la science. Attention, ici, point de dogmatisme ni de propos moralisateur. Le spectacle nous apporte des éléments de réflexions sur des sujets lourds: peut-on porter l’enfant d’une autre sans s’en sentir mère ? Peut-on congeler un mort pour tenter de le faire revivre ? Peut-on choisir son enfant au lieu de choisir de faire un enfant ? La maladie est-elle supportable dans la société de l’abondance ?
Les comédiens jouent tour à tour, suspendus, penchés, allongés, plongés, des personnages dans des situations de choix vis-à-vis de la bioéthique. Les deux scènes les plus spectaculaires de la pièce montrent un couple englué dans une boite-laboratoire choisissant son donneur de sperme ou encore un homme qui rend visite à sa femme congelée depuis des décennies.
On applaudit à s’en faire mal aux mains et on sort changé de ce petit bijou. En présentant de façon artistique un projet extrêmement documenté, Julie Bérés dresse un portrait de nos relations éthiques à la science par un double axe historique et thématique. Les sujets que l’on croyait si neufs apparaissent alors, comme une évidence, être là pour ne dire qu’une chose : la course à l’immortalité est éternellement humaine.
Du 9 au 13 novembre, Théâtre de la Ville Les Abbesses , 31 rue des Abbesses, 75018. 24€
Le 19 novembre 2010-Les Théâtrales Charles Dullin, Orly
Du 6 au 17 janvier 2011-Théâtre Romain Roland, Villejuif
Du 10 au 13 mai 2011-Comédie de Reims, CDN
(c) Alain Monot