Néandertal, la recherche humaine de David Geselson
Pourquoi nous ? Encore et toujours, David Geselson s’interroge et nous interroge sur ce qui fait de nous des humains aux émotions dépassant toute rationalité scientifique. Bijou.
“Trouver du vivant dans des trucs morts”
Depuis qu’il fait du théâtre, David Geselson fictionne la réalité en croisant l’intime et la grande histoire. Après En Route Kaddish en 2014 qui racontait l’histoire de son grand-père pionnier en Israël, il nous invitait en 2017 dans la maison de campagne de Gérard et Doreen pour vivre leur dernier jour sur terre. Néandertal se place dans la même veine. Cette fois-ci, pour nous parler des affres des sentiments, il nous entraine dans le monde de la recherche scientifique. Le matériel de la pièce se constitue des recherches sur Néandertal, de la biographie du prix Nobel Svante Pääbo, et des vies de Rosalind Franklin, Gregor Mendel, Craig Venter, Maja Paunovic. Ils et elles deviennent Luca (David Geselson), Adèle (Adeline Guillot), Mila (Marina Keltchewsky), Rosa (Laure Mathis) Lüdo (Elios Noël) et Jan (Dirk Roofthooft). Il ne s’agit pas de théâtre documentaire, non, c’est du théâtre de construction contemporaine qui prend sa source dans des histoires vraies. Là où l’affaire devient passionnante, c’est que ces dernières années, la recherche sur les origines de l’Homme a fait un bond révolutionnaire. En 2010, Svante Pääbo a prouvé que nous étions tous et toutes un mélange d’hommes et de femmes néandertalien.nes et sapien.nes.
On ne choisit pas d’où l’on vient
La pièce démarre par un coup de foudre dans le noir, et pas n’importe quel jour ?! le 26 avril 1986, le jour de l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine. Rosa et Lüdo se retrouvent coincés par hasard et entre eux la connexion est totale, intense et incontrôlable. Mais, voilà, il et elle ne sont pas libres. Pire, tout ce petit monde de chercheurs et de chercheuses se connait. Plus encore, afin de pouvoir rester en lien, les amants multiplient les occasions de travailler ensemble, en équipe, ce qui les amènera à cette immense découverte, d’un autre mélange, à Jérusalem, il y a des milliers d’années.
Ça parle de joie et d’obscurité
Néandertal enquête sur les doutes d’identité et ceux de l’amour. Geselson y offre absolument tout son panel de questions sans réponse. Comment croire en la paix après l’assassinat d’Yitzhak Rabin ? Comment se sentir proche d’un pays devenu criminel ? Il interroge la peur, et particulièrement celle de notre disparition. La démence, le désir, la filiation et la transmission s’invite dans ce décor fait de terre et de laboratoires entre Zagreb, Munich et Berkeley. Les comédiens et comédiennes jouent avec emphase cette histoire de quête personnelle et historique. Le silence et les secrets se mettent à parler, pour notre plus grand plaisir et notre joie de spectatrice. C’est du grand et beau théâtre.
Visuel : ©Simon Gosselin
