Théâtre
Les pierres précieuses de Patrick Corillon au Festival d’Avignon

Les pierres précieuses de Patrick Corillon au Festival d’Avignon

08 July 2023 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Il existe, toujours, des moments magiques au Festival d’Avignon. Portrait de l’artiste en ermite ornemental du plasticien et conteur belge est dans sa première partie un monument de précision poétique et psychanalytique ciselée.

Dans l’écrin de la chapelle des Pénitents Blanc elle aussi bien chargée d’histoire, Patrick Corillon nous parle comme s’il était un petit garçon. Il s’excuse d’avance, il dit qu’il ne sait pas repérer les clés d’échos des lieux, qu’il ne sait pas bien jouer. Et, c’est bien parce qu’il ne joue pas, bien parce qu’il est là, devant nous, juste lui, que tout passe. C’est comme cela qu’il nous atteint en plein cœur.
Devant une table il déploie l’histoire de Ossip Mandelstam poète et essayiste russe, mort en captivité en 1938. Il tient devant lui ce qu’il nomme un “frottage” du sol de la prison de Mandelstam. De fil en aiguille, tel un tisserand, il élargit son monde fait de petites cartes aux traits nervurés. Il avance l’idée, l’air un peu étonné, que les pierres parlent. Plus encore que chaque pierre a une identité. Les pierres françaises ce serait l’eau et les Portugaises, les fleurs..

Cette dose d’élégance est un shoot intense au réveil en pleine frénésie festivalière. Patrick Corillon arrête le temps, il le suspend. En parfaite incarnation d’un poète slave, il nous tient en haleine face à ces tout petits détails minutieux

Dans son récit, l’artiste convoque son surmoi, qui prend le nom de son ami Fabrice. C’est lui qui le ramène au réel, qui lui assène que tout n’est pas que symbole. Il est dur avec lui quand il affirme “tu acceptes tout tant que ça donne de bonnes histoires”. C’est vrai et nous, on fait taire Francis ! Tout est valable pour une bonne histoire !

Le délicat Patrick Courillon soulève avec son bâton de conteur des petits blocs de papiers et nous, on fond de tendresse. Il sera faux de réduire ce spectacle à une petite chose sensible. Ce Portrait de l’artiste en ermite ornemental est une pépite. Elle apparait d’autant plus rare que le second spectacle qui est collé à cette première partie n’a aucun intérêt.

Pourtant, les premières minutes, le merveilleux est là, mais sous une autre forme. Lui a laissé sa place de conteur à la lectrice Dominique Roodthooft. Le public est partagé en deux. Cinquante sur scène, cinquante dans le gradin. Le public devient acteur. Nous sommes invités à une lecture en apparence partagée. En réalité, il n’en est rien. Le public reste passif et malgré l’ouverture entière du beau plateau, un quatrième mur s’érige immédiatement. Nous avons la désagréable sensation d’être ramené à l’état de jeune enfant. Cette deuxième partie est aux antipodes de la première. La sincérité de l’une est effacée par le dispositif de l’autre. Oublions cela vite. Courrez voir cette première partie d’une intelligence vorace .

6 7 8 JUILLET À 11H ET 18H:
L’APPARTEMENT À TROUS
& LE VOYAGE DE LA FLAQUE
10 11 12 JUILLET À 11H ET 18H:
LES IMAGES FLOTTANTES & LE DESSOUS-DESSUS

Visuel : ©Le corridor

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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