
Natacha Régnier plombe la mémoire de Marina Tsvetaeva au Festival d’Automne
La poétesse Russe Marina Tsvetaeva est de nouveau à l’honneur en cette année 2011. Après le succès de La montagne et de la fin présentée à la Maison de la Poésie en mars dernier, c’est au tour de Bérangère Jannelle de se confronter à Vivre dans le feu, un corpus de poèmes, de lettres et de témoignages regroupés par la fille de Tsvetaeva. Par le jeu figé de Natacha Régnier et la mise en scène déstructurée de Bérangère Jannelle, ce spectacle est un choix étonnant de la part du prestigieux festival d’Automne qui nous a habitué à plus d’exigence.
Le texte, sublime nous plonge dans la vie de cette femme à la vie tragique. Mariée à Sergueï Efron, militaire engagé du côté des blancs, Marina Tsvetaeva a perdu une enfant à Moscou dans la grande famine de 1921 et retrouvé son époux à Berlin. La famille décide d’aller vivre à Prague en 1922, où Tsvetaeva rencontre Constantin Rodzévitc, son « chevalier de Prague » (ou plutôt de sa banlieue) qui devient son amant. Elle se suicide à 49 ans, lassée d’un monde qu’elle abhorre. Ce monde, c’est celui de la censure communiste et des mensonges. Elle n’aura de cesse, dans ses textes personnels et poétiques de dénoncer. Son arme, c’est l’art.
“L’art c’est sacré” sont les premiers mots que l’actrice dit en arrivant sur scène. Elle annonce le déroulé de la pièce, elle va “interpréter” Marina Tsvetaeva. Le principal souci de cette présence scénique réside dans ce verbe. Natacha Régnier n’incarne jamais. Et pourtant, la vie passionnée de Marina Tsvetaeva, ses années hors de Russie, ses excès, ses points d’exclamation. Tout cela est sujet à une pièce forte, sensible, émouvante, poignante.
Dans le décor incompréhensible du spectacle mêlant choses milles fois vues tels les cartons d’archives symbolisant l’écriture et d’autres sans lien aucun avec le sujet, tels ces animaux en plastique rose glissant sur le plateau. Natacha Régnier s’emmêle et se déplace avec peine. Ses pieds fourchent dans les boites, sa voix se perd quant au lieu de jouer la révolte elle joue la colère.
L’ensemble empêche d’écouter la voix de celle qui n’a que les mots comme moyen d’attaque. Sa vie tant flamboyante qu’éphémère est ici vidée de sa substance. Dommage.