Théâtre
La vie est un rêve au Théâtre du Nord

La vie est un rêve au Théâtre du Nord

20 November 2012 | PAR Audrey Chaix

Au Théâtre du Nord, où il est metteur en scène associé, Jacques Vincey signe une mise en scène profonde et esthétique d’un des trésors de l’âge d’or espagnol, La Vie est un rêve, de Perdro Calderon de la Barca. Avec sa troupe de comédiens, il explore le texte, met en lumière le jeu des relations entre les personnages, tout en introduisant son propre univers. Un beau tour de force.

 

On avait vu, de Jacques Vincey, Jours Souterrains, dans la salle de l’Idéal du Théâtre du Nord. Un texte contemporain, dur et violent, dont on était ressorti perclus de douleurs à force de se tendre comme le texte et comme les comédiens. Ici, le texte est extrêmement travaillé, fleuri, dans une langue du 17e siècle magnifiée par la diction des comédiens aussi bien que par l’importance qui lui est donnée dans le travail scénique. Certes, Calderon aime à parsemer son texte de longues répliques qui peuvent sembler indigestes, mais Vincey réussi le tour magistral de leur donner vie, de les mettre en scène de telle façon que l’on est suspendu aux lèvres des personnages et que l’on se régale de ces mots, issus d’une très belle traduction de Denise Laroutis.

 

Sur le plateau, on retrouve le décor minéral cher à Vincey, dans une tonalité dominante de gris qui touche au dépouillement, permettant ainsi à la scène de représenter aussi bien la grotte de Sigismond que le palais du roi Basile. Les jeux de lumière de Marie-Christine Soma mettent avantageusement en valeur cette haute boîte grise au coeur de laquelle évolue la troupe, et dont des pans de murs tombent avec fracas au fur et à mesure que la pièce avance, comme si le monde se révélait peu à peu à Sigismond. Tout, dans cette scénographie, contribue à faire de cette mise en scène un bijou esthétique, que l’on ne se lasse pas de regarder, d’autant plus que les costumes, qui sont à la fois inspirés du 17e siècle et de l’époque contemporaine, contribuent à créer une atmosphère à la fois familière et étrange, qui installe la pièce dans une intemporalité lui permettant de toucher à l’universel.

 

Si la troupe de comédiens insuffle au texte son énergie, on saluera notamment les performances de Philippe Vieux, qui interprète un Clairon tenant plus du Sganarelle que du bouffon, et qui soulage la salle de quelques rires salvateurs tout en ayant la tâche de mettre les per

sonnages face à eux-mêmes, ainsi que Philippe Morier-Genoud, altier en vieux roi fatigué et inquiet de sa succession. Le Sigismond d’Antoine Kahan est très convaincant, mi-homme mi-bête qui se civilise au fur et à mesure que son personnage grandit – même si l’état sauvage lui sied mieux que celui de l’homme du monde. Noémie Dujardin est une Etoile complètement hallucinée, semblable à une poupée de cire, à laquelle répond bien Estelle Meyer,  étonnante Rosaura, tantôt chevalier, tantôt servante, tantôt Amazone, et finalement fille en quête de son honneur perdu.

 

Jacques Vincey signe donc ici une mise en scène qui fera date – ne serait-ce parce qu’il est rare que les hommes de théâtre donnent à entendre les mots de Calderon sur une scène de l’envergure de celle du Théâtre du Nord. Que l’on se rassure, cette production tourne dans l’ensemble de l’Hexagone au moins jusque mars prochain : ne manquez pas une occasion d’assister au passage à l’âge adulte d’un homme sauvage, qui donne autant à réfléchir sur les conséquences de chacun de nos actes qu’il raconte une fable dont la morale résonne encore aujourd’hui.

 

En tournée :

Du 6 au 8 décembre 2012 à La Criée, Théâtre National de Marseille
Du 15 janvier au 2 février 2013 au Théâtre 71, Scène nationale–Malakoff
Du 5 au 13 février 2013 au Grand T–Nantes
Le 21 février 2013 à L’Hexagone, Scène nationale de Meylan
Les 28 février et 1er mars 2013 au Centre des Bords de Marne, Le Perreux
Le 5 mars 2013 à Théâtre en Dracénie, Draguignan
Les 21 et 22 mars 2013 à La Filature, Scène nationale de Mulhouse

 

 

Photos : Pierre Grosbois

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Audrey Chaix
Professionnelle de la communication, Audrey a fait des études d'anglais et de communication à la Sorbonne et au CELSA avant de partir vivre à Lille. Passionnée par le spectacle vivant, en particulier le théâtre, mais aussi la danse ou l'opéra, elle écume les salles de spectacle de part et d'autre de la frontière franco-belgo-britannique. @audreyvchaix photo : maxime dufour photographies.

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