Théâtre
La Troade mise en scène par Valérie Dréville: une déclamation dansée

La Troade mise en scène par Valérie Dréville: une déclamation dansée

11 November 2011 | PAR Emma Letellier

Dans le cadre du Festival d’Automne et de la carte blanche « Paroles d’acteurs » programmée par l’ Adami, le Théâtre de l’Aquarium présentait du 7 au 11 novembre La Troade – Acte II de Robert Garnier. Cette tragédie écrite au XVIè siècle, transpose à la scène certains épisodes de la guerre de Troie. Valérie Dréville, metteur en scène du spectacle, assistée de Philippe Ducou, a isolé l’Acte II afin de concentrer son travail sur un seul de ces épisodes : l’affrontement entre Ulysse, héros grec aux mille ruses et Andromaque, princesse troyenne. Meurtrie par l’assassinat de son époux Hector, Andromaque tente en vain de dérober son fils Astyanax à la fureur ennemie.

Le spectacle s’ouvre sur un plateau noir et nu, pratiquement. Dix jeunes comédiens participant à l’opération Talents Cannes Adami sont seuls à l’habiller, avec leur voix, leur costume et leurs danses. Ainsi, dans les premières minutes, leurs corps chorégraphient-ils de fugaces tableaux vivants représentant les combats menés à l’Acte I. La lumière est bleue, le sang macule les silhouettes rougies. Le silence et l’image coupent le souffle. Achille a tué Hector. La dépouille du héros est traînée dans la boue puis lavée et enterrée par ses compagnons dans un sépulcre qu’une tâche lumineuse figure au sol. La salle est plongée dans l’ombre de cette « nuit éternelle ». Et la voix douloureuse de la mère inquiète et révoltée s’élève alors avec lenteur et densité au début de l’Acte II.

Mais ce sont quatre voix, admirablement portées, notamment par Géraldine Martineau et Eva Leimbergerova, que l’on distingue dans cette obscurité, quatre voix qui se font chœur, solidaires et fraternelles, dans ce long moment de délibération où la tragédie s’informe et où le malheur annonce sa couleur. Rien ne se passera. Les Andromaque chanteront leur douleur à laquelle répondra l’incertitude d’un Ulysse choral, lui aussi,  et tourmenté par des sentiments contraires.  Seul au milieu de ces chœurs, Astyanax, enjeu malheureux de l’affrontement jouera pour lui-même, seul, tantôt jeune homme tantôt fantôme, incarné et désincarné, comédien et simple manteau d’enfant.

Dans cette mise en scène, Valérie Dréville, comédienne, assistée de Philippe Ducou, danseur chorégraphe, prend le parti de la suggestion. Les larmes et les gémissements sont absents. Les cris et les colères sont orchestrés. L’alexandrin souple et rythmé de Robert Garnier propose ici la partition d’une danse du tourment. La musique de cette langue ancienne, aux tournures surannées, engage une gestuelle chorégraphiée et donne à ce spectacle pathétique une dimension éminemment esthétique. Comme si la déclamation, et le resserrement du geste qu’elle impose, parvenait avec plus de précision et d’intensité à livrer la douleur d’une mère bientôt orpheline, d’un brave sur le point de faiblir. Et plus largement, le cri d’une révolte contre l’imparable.

« Famille de démons que ces Borgia ! » A l’occasion de la série diffusée sur Canal Plus, (re)découvrez le flamboyant roman Les Borgia de Klabund.
La fuite en avant, nouvel album de Debout sur le zinc
Emma Letellier

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration