La joyeuse dinguerie du trio amoureux chez Hanock Levin
Yaacobi et Leidenthal se joue en ce moment au Théâtre du Rond-Point. La pièce d’Hanokh Levin est mise en scène par Frédéric Bélier-Garcia, le directeur du Centre Dramatique National d’Angers où a été créé et produit le spectacle. On s’amuse beaucoup devant cette comédie en 30 tableaux et 12 chansons menée avec enthousiasme par trois jeunes acteurs tordants. Les personnages sombrent dans le trouble du drame de la vie, pourtant c’est férocement drôle.
L’auteur, né à Tel-Aviv en 1943, est une figure importante de la culture israélienne contemporaine. Il a écrit de nombreuses pièces de théâtres, notamment « Kroum » monté par Warlikowski il y a déjà quelques saisons avec sa troupe d’acteurs polonais, des sketchs aussi, toujours avec un humour mordant. Ici, le ton de la pièce est insolite et déjanté, proche de l’absurde. Finalement, on ne sait comment qualifier ce qu’on a vu : comédie sentimentale, vaudeville, drame existentialiste… probablement tout cela en même temps car ce qui fait la force de cette pièce atypique, c’est de n’appartenir à aucun genre et de transgresser tous les codes.
Yaacobi et Leidenthal sont les meilleurs amis du monde mais le premier veut passer à autre chose, avancer dans la vie, profiter de l’existence et donc prendre ses distances avec le second. Yaacobi compte bien se débarrasser de Leidenthal en se rapprochant d’une jeune femme qu’il a rencontré : Ruth, une pianiste au fessier généreux. Grâce à elle, les parties de dominos quotidiennes autour d’une tasse de thé avec son ami, c’est fini ! Le problème, c’est que Leidenthal en tombe amoureux aussi et cela coince car il est prèt à tout pour se greffer au couple. Il s’incruste chez eux et devient l’homme à tout faire.
L’intrigue est mince. On voit dans une folle course poursuite du café au fleuve et du fleuve au café, des amis qui n’en sont plus, inséparables mais qui veulent rompre, une noce où on se demande qui est le marié, une pianiste renommée qui n’en est pas une, un homme qui s’offre en cadeau de mariage… Les personnages sont paumés mais tellement attachants dans leur fuite en avant pour échapper au désespoir et au temps qui file lui aussi. Ils courent vers le bonheur difficilement saisissable.
Le spectacle va vite. C’est un peu lourd parfois. La mise en scène est appuyée, inventive et débridée, pleine de gags. Les acteurs, à l’énergie incroyable, tiennent le rythme. Ils jouent la comédie, souvent en force mais toujours sincères, même dans l’excès. Ils chantent et dansent aussi. La musique du spectacle est de Reinhardt Wagner, on reconnaît aussi Gilbert Bécaud, Laura Pausini (La Solitudine)…
Manuel Le Lièvre et David Migeot, à la fois très différents et complémentaires, tout en contrastes physiquement et dans le jeu, forment un vrai duo comique. Le premier, petit et enrobé joue Yaacobi avec bonhomie et rondeur et Leidenthal joué par le second, acteur grand et filiforme au jeu plus nuancé, est un dépressif névrosé et lunaire. Au milieu, l’explosive Agnès Pontier interprète Ruth, divine garce dominatrice et combattante qui entend bien mener à la baguette ces deux nigauds. Elle est irrésistible dans son numéro de séduction de vamp en sous-vêtements.
Il ya quelque chose de volontairement miteux et désuet dans le décor vieillot à la « Au théâtre ce soir » et les costumes de Sophie Perrez. On y aperçoit l’esprit léger mais aussi la noirceur d’un monde où les histoires d’amour sont compliquées, où la joie du mariage est une illusion, où les personnages s’essoufflent dans leur ratages, où la mort rôde (Leidenthal déguisé en squelette). Les personnages pourraient faire plein de choses dans leur existence : migrer en Australie, entrer dans les ordres, apprendre la musique… Le temps passe et ils restent à côté, en spectateurs passifs d’une vie si facile à gâcher. C’est la morale de cette petite histoire. Hanock Levin nous dit que vivre est une chose compliquée mais qu’il faut attraper le bonheur malgré tout, car la volonté de vivre est plus forte.
Yaacobi et Leidenthal, à 21H, jusqu’au 26 février au Théâtre du Rond-Point, 2bis, avenue Franklin D. Roosevelt, 8 arr. M° Franklin Roosevelt (ligne 1, 9) ou Champs-Elysées Clemenceau (ligne 1, 13). 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr
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One thought on “La joyeuse dinguerie du trio amoureux chez Hanock Levin”
Commentaire(s)
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Amelie Blaustein Niddam
il a l’air dément ce spectacle!