Théâtre
La dernière interview : Jean Genet face camera à la Maison des Metallos

La dernière interview : Jean Genet face camera à la Maison des Metallos

08 February 2013 | PAR Amelie Blaustein Niddam

“Posez moi des questions puisque le système veut que ce soit moi qu’on interroge”. En 1985, quelques semaines avant sa mort, Jean Genet se prête non sans réticence au jeu de l’interview du journaliste anglais Nigel Williams. L’échange avait une puissance théâtrale évidente captée par Catherine Boskowitz et Dieudonné Niangouna.

De son abandon à ses premiers vols,  des mois passé à Mettray dans un bagne pour enfants à son engagement dans la Légion étrangère, de sa cellule où il écrira les premières pages de Notre-Dame-des-Fleurs à l’adoubement par Jean Cocteau qui lui évitera de prendre perpét’, c’est toute la vie du sulfureux poète qui est dite ici par l’intermédiaire d’une interview vécue par l’auteur du Funambule comme un interrogatoire

Sur le fil, se trouvent Catherine Boskowitz et Dieudonné Niangouna dans un équilibre  qui, si il est fragile, tient fortement le cap. Quel est-il ? Faire résonner l’auteur vivant avec l’auteur mort dans un moment de retour sur un parcours initiatique. Si le texte de l’interview filmée pour la BBC est respecté à la lettre, le comédien intervient quand il le désire, chaque soir de façon différente, pour dialoguer avec le public, avec Genet, avec Nigel Williams, avec Catherine Boskowitz, avec lui-même. Le futur auteur associé du festival d’Avignon 2013, rescapé des guerres civiles au Congo, nous amène à Brazzaville racontant qu’avec le bateau qui vogue jusqu’en France viennent le stylo et le papier qui permettent l’écriture.

Il s’agit pour le duo de tourner autour de Genet, vieillard acariâtre en passant par le son. La scénographie fait le choix d’une circulation effaçant, au départ, l’image. Le plateau sera occupé plus tard quand les deux auteurs ne feront plus qu’un.

La question de la fusion est ici primordiale. Genet dit “Il y a ce trait d’union entre moi et la fiction de moi” Niangouna incarne ce tiraillement et tous les autres : Genet poète, mais Genet pervers, Genet talentueux mais Genet agressif.

L’homme est ici complètement mis à nu et on le découvre résigné en apparence seulement, prêt à casser la baraque s’il le faut. Cette sensation est augmentée par une litanie imposée dans le flot des paroles entrecoupées de silences et de son de la guitare de Benoist Bouvot. Il n’y pas d’apaisement venant de ce calme, mais une tension déroutante.

Le fil du Funambule reste solide, 30 ans après l’écriture du Balcon, pièce qui se déroule dans la maison close d’une colonie pendant une révolte. La révolte… elle transpire pendant toute cette interview où Genet cherche à pousser l’autre dans ses retranchements et à renverser les rôles. Le jeu de rôle fonctionne, nous laissant dans un sentiment agréablement étrange d’une fascination.

 

Visuel (c) Audrey Dupas

 

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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