
“La dernière bande” de Robert Wilson
Wilson et Beckett sont deux frères siamois qui cultivaient tout deux le goût du silence et du placement des décors, des lumières et des personnages méticuleux. Pour la première fois Bob Wilson se met en scène dans les mots de Beckett pour “Krapp’s Lat’s Tape” au Théâtre de l’Athénée. En 2010, Wilson en guise de premier pas, s’autorisait enfin à monter du Beckett et offrait un magistral Oh les beaux jours !
Oh les beaux jours ! et Krapp’s lat’s tape parlent du même sujet : la vieillesse. La totale identification entre l’auteur et le comédien/metteur en scène est ici flagrante. Les deux hommes font un travail si proche que Wilson s’interdisait de « monter du Beckett ». Il a fallu attendre que Beckett meurt en 1989, que Wilson ait 70 ans, pour qu’en 2010 le théâtre de l’Athénée accueille Oh les beaux jours !
La scénographie est magistrale. Un cours Wilsonien : un levé de rideau redéfini, une lumière gris-vert et une profusion de lignes. Dans une pièce aux fenêtres hauts perchées, des boites à archives sont alignées dans une bibliothèque en fond de scène. Au centre, un bureau rectangulaire et sur les murs entourant, des meubles bas comprenant les mêmes boites. Un homme, visage blanc de mime est assis sur la chaise rouge comme ses chaussettes. Il a 70 ans et effectue un rituel, celui d’enregistrer sur une bande les événements de l’année passée qu’il se remémore grâce à ses notes. A l’occasion, il réécoute la bobine de son 39e anniversaire. La voix est jeune, les illusions intactes. Aujourd’hui, il sait que ce qu’il croyait anecdotique, allait se révéler des douleurs indélébiles.
Le texte, plein des silences et des bruits chers à Beckett met en avant l’obsession humaine de la jeunesse , son lot de regrets, sa part de nostalgie. Le vieil homme tente de tout réécouter mais il est empêché. Il accélère, choisit, coupe.
Wilson est rarement sur scène. La première fois c’était en 2000 pour Hamlet : un monologue. La seconde c’est ici. Ne cachons pas qu’il est meilleur metteur en scène que comédien. Les mimiques sont attendues et de ce fait rendent l’attention à ce texte exigeant ardue. Même si l’ensemble manque de force, il reste des images comme des tableaux, d’un homme seul au cœur de la folie ordinaire, obsédé par sa vie banale.
Comme le dit Krapp « Ici je termine. »