“Je ne suis plus inquiet” de Delpeyrat, une pièce qui résonne
En ce triste jeudi soir de confinement, un homme, seul sur la scène du Théâtre de la Ville, nous offre un témoignage touchant sur son père, qu’il a tant aimé. Cet homme, c’est Scali Delpeyrat, et ce témoignage, c’est “Je ne suis plus inquiet”, publié aux Editions Actes-Sud en octobre dernier.
Parler de son père et de son amour pour lui n’est qu’une excuse. Une excuse pour parler de sa vie, sa pauvre vie ennuyante et de celle de sa grand-mère, échappée des rafles du Vel’d’Hiv. Trois temps de narrations s’entrelacent alors : celui de ce père, raciste, qui a participé à la guerre d’Algérie, celui de ses grands-parents, dont le miracle les a sauvé de la mort, et le sien, partagé entre apéros, check-lists et une inlassable et immuable inquiétude.
Cette imbrication, c’est celle de la honte de l’angoisse quand on n’a rien connu d’aussi terrible que ces ancêtres. Et pourtant, c’est quelque chose qu’on ne contrôle pas. La solitude. L’angoisse du réel. Pourquoi la voix dans le métro change-t-elle d’intonation ? Pourquoi le vigile à l’entrée du magasin ne fouille-t-il pas vraiment les sacs ? Un stress permanent, flottant, invisible et pourtant bien réel.
Cette angoisse, c’est aussi celle que le spectateur ressent lorsque suite à une blague, le silence se fait dans la salle. Pas étonnant, elle est vide. Ce vide qui remplace le rire, c’est un peu la mise en abîme de l’inquiétude, de la mélancolie de Delpeyrat.
Il faut saluer le courage de ce grand acteur et metteur en scène d’avoir su jouer face à ce vide.
Mais même si c’est le silence qui clôt la pièce, et pas les applaudissements tonitruants, Delpeyrat se débarrasse de son vide à lui. L’amour qu’il comprend enfin ressentir pour son père, le libère. Il n’est plus inquiet.
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