Théâtre
Introspection, Gwenaël Morin rend plurielle la parole d’Handke

Introspection, Gwenaël Morin rend plurielle la parole d’Handke

11 October 2011 | PAR Christophe Candoni

Gwenaël Morin met en scène Introspection, un monologue de Peter Handke, écrit à la première personne mais partagé et restitué par un chœur de huit comédiens dont plusieurs élèves de la Comédie de Saint-Etienne en alternance.

Les acteurs habitent déjà l’espace scénique, concentrés, quand les spectateurs rentrent dans la salle vide et nue, sans décor de théâtre. Sur le mur sombre est inscrit en lettres blanches INTROSPECTION SELBSTBEZICHTIGUNG. D’un coup, la lumière s’éteint, les huit comédiens se mettent en ligne, face au public et commencent ensemble le récit d’une vie : « Je suis né » disent-ils d’une même voix, d’un seul souffle.

Ils se livrent dans un récit d’apprentissage, plein d’humour et de profondeur. Les mots sont appréhendés, scandés, lâchés, arrachés pour relater les étapes aussi essentielles que celle de l’appréhension du corps, des mouvements, puis de la parole, celle de la découverte des désirs, de l’effroi. Il est question d’affrontement, de comment se positionner face aux conventions, aux convenances, devenir responsable, accepter les règles du jeu (loyer, paiement, vaccination…), obéir ou transgresser, agir. Comment apprendre son « métier d’homme » et développer son être au monde. Quelques voix se détachent des autres pour évoquer la difficulté, la complexité des relations entre les êtres pour poser la possibilité d’une manière de se distinguer dans la masse.

Gwenaël Morin travaille sur l’énergie collective des acteurs et dirige ce texte comme il suivrait une partition musicale avec des ralentis, des accélérations, des pianos, des forte… Il y a de très bons moments. Lors d’une pause brutale, les acteurs entament un chant polyphonique a capella d’une grande beauté et émouvant. C’est aussi sombre lorsqu’ils détaillent leur attrait pour le mal, la jalousie, l’égoïsme sans craindre Dieu. La proposition formelle de Gwenaël Morin est singulièrement forte, son travail exigeant. L’effet de groupe rend la parole à la fois individuelle et collective, facilite l’identification et tend à l’universalité. La frontalité fait ressortir la puissance des mots et prend en compte le public. La représentation demande une grande écoute, de la concentration et de la précision, un grand sens du rythme à ses interprètes. La parole est extrêmement tenue bien que le dispositif est quelque peu rigide et presque déshumanisé parfois.

 

 

 

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Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

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