Théâtre

Claudio Tolcachir, la révélation du Festival d’Automne

17 November 2010 | PAR Christophe Candoni

A 35 ans, l’artiste argentin Claudio Tolcachir, invité par le Festival d’automne à présenter deux spectacles, a suscité l’enthousiasme d’un public unanime qui découvrait sa première pièce « le Cas de la famille Colemann » au Rond-Point. Humblement répétée à Buenos Aires et créée en 2005 au même endroit, elle est depuis donnée partout dans le monde. « El viento en un violin », sa dernière création, a vu le jour tout récemment, en septembre 2010, on peut la voir pour quelques dates à la MAC de Créteil et il ne faut surtout pas la rater.

Ce qu’on retiendra de ces beaux moments de théâtre, c’est la vitalité inouïe, la fougue de ces représentations du Cas de la famille Colemann et d’El Viento en un violin portées par une merveilleuse troupe d’acteurs. Le groupe Timbre 4 fondé en 1999 est le résultat de l’appétit d’un théâtre indépendant et engagé que partageait une bande d’amis de classe. Le travail se veut collectif autant pour l’écriture que pour le jeu, deux éléments qui ont la particularité de s’établir en même temps, à partir de séances d’improvisations pour faire naître les situations, donner aux comédiens la possibilité d’apprivoiser les personnages qu’ils ont à jouer.

Sans aucun catastrophisme, Tolcachir raconte des histoires qui ne sont pas particulièrement joyeuses. La maladie et la mort rôdent, la pauvreté aussi, matérielle (un salon laissé à l’abandon pour décor) et intellectuelle. Mais il ne manque pas d’humour, d’espoir et de ressources pour rendre ces morceaux de vie supportables. La première pièce raconte l’histoire d’une tribu déglinguée par les déboires de la vie. Tous les membres de la famille vivent sous le même toit chaperonnés par la bienveillance de la grand-mère qui s’occupe de tout pour combler l’immaturité de sa fille et l’absence du père. Le malaise de celle-ci et l’hospitalisation qui suit soudent les rapports de la famille éclatée. Pas de père non plus dans la deuxième pièce mais une maman aimante, étouffante, castratrice. Le sujet est plus en phase avec une actualité polémique et sa réalisation est plus radicale. Deux femmes sont en couple et veulent un bébé pour sceller leur amour. L’homme qu’elles ont trouvé pour être le géniteur refuse de faire cet enfant alors elles décident de faire irruption chez lui, arme en main, et de forcer un acte sexuel, un geste délirant, utopique et désespéré.

Tolcachir fait le portrait de personnages bancals, à la marge, et tellement attachants. Le trait est noir, dur, violent, mais son théâtre est tendre, rieur même, agité, sans jamais manquer de profondeur. Ce qui se dit est terrible mais on rit franchement tant les répliques fusent avec un sens du rythme précis. Les interprètes sont géniaux, à fleur de peau. Ils partent au quart de tour en éclats de colère, de rire ou de larmes. Lautaro Perotti joue avec sensibilité deux rôles de fils paumé et décalé ainsi que Miriam Odorico à l’énergie euphorique sont particulièrement impressionnants.

La vie n’a pas de sens et c’est pour cela qu’elle est merveilleuse, c’est la morale d’une fable douce et dingue qui remue, bouscule nos certitudes sur une normalité supposée et rejette les conformismes imposés par une société bien réglée.

El viento en un violin, jusqu’au 20 novembre 2010 à la Maison des Arts de Créteil : 01 45 13 19 19, www.maccreteil.com

REPRISE DE La Omission de la familia Coleman, les 10 et 11 décembre 2010 à la scène Watteau de Nogent-sur-Marne : 01 48 72 94 94, www.scenewatteau.fr

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Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

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