
Avignon OFF : Il ne faut pas oublier “Hermann” !
Est-il possible d’oublier son histoire ? D’oublier jusqu’au moindre détail de sa vie ? Il serait tentant de dire oui, mais ce qui est sûr, c’est que le spectacle Hermann vous restera longtemps en mémoire. Une pièce à découvrir à La Manufacture durant le Festival d’Avignon.
Le récit d’un rien
Hermann, c’est d’abord l’histoire d’un homme qui ne sait plus rien. Sa mémoire n’est plus que limbes, un labyrinthe sans fond d’où il ne peut plus rien extraire. Tout ce qui lui reste, c’est son prénom, Hermann, les souvenirs d’un chat, les traces d’une langue étrangère, le russe et le prénom d’une femme, Olia. A ses maigres souvenirs se joint son instinct, qui le pousse à rejoindre, mais à rejoindre quoi ? qui ?
Hermann, c’est ensuite l’histoire d’une quête, celle de la psychiatre et neurologue Léa Paul. Léa cherche à trouver l’identité de cet homme qui a fait irruption un beau jour dans son pavillon. Elle veut savoir qui il est pour pouvoir l’aider, mais elle ne se doute pas que cette recherche va la transformer.
Tenter de parer l’oubli
Les moments de lucidité sont les instants les plus durs à appréhender pour les personnes atteintes d’Alzheimer, car ces moments leur rappellent qu’ils sont malades, que leur mémoire vacille. La scénographie de Raymond Sarti renvoie aux portes de la mémoire, avec ses murs noirs, ses rideaux noirs qu’on ouvre et ferme. Quand ils sont ouverts, on se souvient, mais une fois fermés, il est impossible de sortir de l’oubli, on y est enfermé.
Revenir sur les traces d’un passé, c’est tenter de parer l’oubli. On approche à tâtons, espérant trouver un indice, même s’il est infime, même s’il ne mène à rien. Hermann fait du mystère un élément central : on ne sait rien, on avance dans le noir et on ressent la frustration perpétuelle que les malades perçoivent, jour après jour.
L’amour est-il plus fort que tout ?
Hermann raconte une magnifique histoire d’amour, parle de l’amour, de ce qu’il peut apporter, de sa complexité. Parfois il nous tombe dessus sans crier gare, d’autres fois il faut le chercher, errer pour le retrouver. Mais ce qui est beau avec l’amour, c’est qu’il peut aller à l’encontre de tout, braver tous les interdits voire même, les impossibles.
Hermann est un conte, et comme dans tout conte, l’amour y est central. Mais ici, il fait face à la dureté de la vie, à la solitude. La folie s’initie dans son parcours, certaines vérités éclatent tels des obus au visage. La vision est striée, renvoyant à ces jeux d’ombres sur la scène. La vision est floutée, comme si un voile s’était déposé devant les yeux, comme si un rideau altérait la réalité.
Quatre acteurs au jeu merveilleux
Hermann est porté par quatre acteurs au talent indéniable : Claudine Charreyre, Daniel Kenigsberg, Lenka Luptakova et Clément Proust. Ensemble, ils transmettent à la pièce une force prodigieuse, nous plongeant dans un monde où l’inconscient et le conscient luttent. Grâce à la justesse de leurs émotions, on est transporté dans ce récit incroyable, on frissonne avec eux.
Il y a cette scène qui reste en mémoire, celle où Léa Paul rencontre Daniel Streiberg, le mari d’Olia. Remplie d’humour noir, de malaise, de légèreté, elle nous fait croire à la beauté des instants. La danse se joint aux mots, le bonheur est réel.
Hermann est une pièce qu’il ne faut pas oublier et pour que cela arrive, il est possible de la voir à 19h30 jusqu’au 26 juillet à La Manufacture.
Visuel : ©Christophe Raynaud De Lage