Théâtre

Annie Mercier en Madone subversive dans Stabat Mater

11 April 2010 | PAR Christophe Candoni

C’est un coup de foudre qu’a eu Annie Mercier pour ce texte d’Antonio Tarantino, elle l’a tout de suite aimé et a souhaité l’interpréter. Ecrite en 1992 et créée à Rome, « Stabat Mater » est la première pièce de l’auteur italien. Eric-Gaston Lorvoire dirige la comédienne, seule en scène.

La configuration de la petite salle du Théâtre Noir du Lucernaire fait que l’on est toujours proche de l’artiste. Annie Mercier joue Marie, non pas la Marie biblique, vierge mère du Christ mais la pauvre Marie à l’existence faite de misère, au quotidien sordide. Elle évolue dans un petit décor (réalisé par Alain Denize) à l’aspect hyper misérabiliste, un intérieur d’un autre âge avec pour seul meuble une pauvre petite table sur laquelle reposent des objets religieux et une chaise. Elle se présente à nous dans une robe d’été, à fleurs, chaussée d’espadrilles colorées, d’un rose comme la vie ne l’est pas pour cette femme blessée et combattive, une vie marginale qui ne l’a pas gâtée. Elle a été prostituée, fille-mère, et a élevé seule son fils. Celui-ci, dévoyé par le sexe et la politique, est arrêté par la police puis mort. Alors, Marie survit à sa douloureuse et incommensurable solitude en se noyant dans l’alcool et en ressassant ses souvenirs et ses peines.

La mise en scène est rudimentaire et il n’y a pas d’action. Ce qu’il y a de plus intéressant dans la pièce, c’est surtout l’urgence du personnage à dire. La parole se libère comme un flux impossible à interrompre durant ce long soliloque, une parole imparfaite, répétitive, chaotique. Antonio Tarantino ne cherche pas à produire une langue fine et refuse le caractère poli et lisse des mots « comme des souliers soigneusement cirés et lustrés » dit-il. Il donne à entendre au contraire une langue crue, abrupte, parfois redondante qui convient bien à l’actrice gouailleuse qui fait claquer et raisonner les mots les plus fleuris avec force et justesse. Annie Mercier joue avec une conviction pétrie d’une humanité profonde : ravagée et révoltée, elle raconte ses blessures enfouies. Sa voix chaude et caverneuse retentit, sa profonde respiration, sa prestance évidente font naître une émotion vive. Ce Stabat Mater finalement pas très catholique est efficace mais par moments un peu creux.

« Stabat Mater », jusqu’au 15 mai 2010. Du mardi au samedi à 21h30, au Théâtre Lucernaire, rue Notre-Dame-des-champs, 6 arr. 01 45 44 57 34. www.lucernaire.fr

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Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

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