
“Alice pour le moment”, choeur identitaire à Villeneuve en Scène
Depuis 1984, la compagnie “Conduite intérieure” permet au plus grand nombre d’accéder au théâtre en le diffusant dans des lieux très éloignés des structures traditionnelles tel un appartement dans un barre de HLM. Ici, à Villeneuve en Scène, la formule est plus classique, puisque nous retrouvons “Alice pour le moment” dans un chapiteau au cœur de la Pinède pour une confrontation directe entre le public et les formidables comédiens.
Les éléments de décor arrivent peu à peu, des boites comme des cages, un poivron empalé, une chaussure accrochée… Les objets semblent en suspension, sur le départ. La fuite aurait pu être le titre de ce spectacle qui nous raconte la vie d’Alice, de toute petite à très adulte, née le 11 septembre, “l’autre”, en 1973 qui a vu la mort du président Chilien, Salvador Allende.
Alice a une maman un peu envahissante, qui parle une autre langue, lui hurle dessus, toujours au mauvais moment, la couvrant de ridicule devant son amie Florence ou son petit ami Gabin. Petit à petit, Alice au prénom d’emprunt va devenir française et “s’intégrer” comme on dit.
La véritable force du spectacle réside dans l’interaction pure avec le public. Les chaises entourent un étroit plateau et les comédiens, trois femmes et un hommes, jouent ensemble, souvent en chœur et souvent aussi ne se regardent pas lors des dialogues mais disent leur texte les yeux plongés dans celui d’un spectateur, un par un, doucement.
On regrettera une toute fin facile, peu à l’image du reste de la pièce qui vient questionner de façon innovante dans le dispositif les enjeux identitaires d’une jeune fille étrangère, réfugiée politique, dont le père fait tous les boulots, de testeur de médoc à éleveur de mouton et passe son temps à changer de maison pour ne pas à avoir à payer le loyer.
On s’attache à cette Alice qui se multiplie, étant parfois trois, changeant de visage, à l’image de toutes les histoires, très individuelles, qui mises bout à bout sont le même récit des embûches rencontrées lors d’une immigration.
Credit photo (c) François Tomsu