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Le “Fantastic Cabaret Noir”, un burlesque queer en demi-teintes

Le “Fantastic Cabaret Noir”, un burlesque queer en demi-teintes

30 October 2017 | PAR Mathieu Dochtermann

Le 27 octobre 2017, pour une unique soirée, le Cirque Électrique a accueilli le Fantastic Cabaret Noir organisé par Otomo de Manuel. Très chaud, très queer, ce show burlesque sexy trash pour adultes avertis propose des numéros diversement aboutis au niveau artistique. Divertissant, avec des coups d’éclat, mais pas tout à fait tenu sur la longueur.
[rating=3]

On l’avait compris, le Cirque Électrique s’est fait une spécialité de produire comme d’accueillir des formes artistiques qui interrogent le genre, et qui peuvent se ranger sous cette étiquette assez large du “queer”. De l’Electric Sideshow maison, au What The Fuck? Fest***!, le gender fuck a largement droit de cité sous le chapiteau de la Porte des Lilas. C’est donc sans surprise qu’on a vu le Big Top accueillir la représentation unique du Fantastic Cabaret Noir à Paris.

L’initiative doit le jour à Otomo de Manuel, qui officie ici en maître de cérémonie perché sur talons aiguilles. Ce sont près de deux heures de burlesque qui s’enchaînent, le fil directeur étant surtout l’ascendance non caucasienne des artistes, oscillant entre Afrique et Asie. Tous les numéros, en revanche, ne sont pas à proprement parler queer: les artistes de genre féminin jouent le sexy provoquant sans trop brouiller les lignes, restant dans un effeuillage assez standard, même si esthétique. C’est du côté des performers et artistes de genre masculin, ou ouvertement non binaire, que viennent les propositions dynamitant les rôles de genre.

On voit beaucoup de chair nue et de poses alanguies, évidemment. On aura même le droit (mais quid de ceux qui auraient préféré s’abstenir?) d’admirer une vulve et un pénis, ce qui permet de respecter la parité… et conduit à déconseiller, s’il en était besoin, ce Cabaret aux jeunes spectateurs. Globalement, l’atmosphère sulfureuse fonctionne bien, le public est joueur et ne se fait pas (trop) prier pour encourager les artistes, et une aura de danger, née du fait que rien n’est impossible à ces artistes de l’extrême, nimbe la soirée d’un halo d’excitation indocile.

Au final, cependant, le show est un peu inégal, de très bonnes propositions voisinant avec quelques passages qui n’offrent guère de plus-value artistique, se bornant à une une galerie de – très – beaux costumes qui tombent pièce par pièce. On saluera tout de même les deux passage de Lalla Morte, dans des numéros qui renouvellent son répertoire, en reprenant quelques-uns des éléments de son vocabulaire artistique (pointes de ballerine, peinture fluorescente, grands éventails) en les recomposant dans deux danses sexy et gracieuses, truffées de belles trouvailles scéniques. Le passage de Mika Rambar, qui se lance dans un twerk endiablé grimé en licorne, laissera quelques souvenirs aux spectateurs. Les deux numéros de Soa de Muse sont sans doute les plus intenses, avec une présence et une projection impressionnantes, dans un style très moderne, avec une chorégraphie étudiée, et une dimension gender fuck indéniable.

Quelques problèmes de rythme d’ensemble, et certaines propositions un peu plus faibles que les autres, ne permettent pas complètement à la soirée d’installer son univers et de trouver sa cadence. Otomo de Manuel, malgré toute sa faconde, peine parfois à maintenir l’énergie, et l’absence d’amplification de sa voix, comme son acharnement à parler la moitié du temps anglais avec un accent approximatif, ne l’aident pas à trouver son personnage, en dépit de son charisme évident.

Il faut l’affirmer: pour avoir une proposition artistique forte, il faut, justement, une dimension artistique, à chaque numéro. C’est une erreur de croire que le simple effeuillage suffit à faire le burlesque, ou qu’il suffit d’une vague pose sexy pour faire un bon show queer. Malheureusement, de ces deux points de vue, tous les interprètes n’étaient pas nécessairement au rendez-vous.

Le show reste recommandable, même si ses passages à vide se feront cruellement ressentir si le public n’est pas chauffé à blanc. Reste de très bons numéros individuels, qu’il serait dommage de rater.

Interprètes: Otomo de Manuel, Curly Gombo Lee, Julius Black, Loulou Champagne, Soa de Muse, Mika Rambar, Lalla Morte, Luna Moka, Electric Do Dillou, Yumie Koï

Visuels: (C) Ann Son

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Mathieu Dochtermann
Passionné de spectacle vivant, sous toutes ses formes, des théâtres de marionnettes en particulier, du cirque et des arts de la rue également, et du théâtre de comédiens encore, malgré tout. Pratique le clown, un peu, le conte, encore plus, le théâtre, toujours, le rire, souvent. Critère central d'un bon spectacle: celui qui émeut, qui touche la chose sensible au fond de la poitrine. Le reste, c'est du bavardage. Facebook: https://www.facebook.com/matdochtermann

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