Tosca à Sanxay ou l’excellence lyrique à la campagne
Depuis près de vingt ans, les Soirées lyriques de Sanxay font vibrer le Théâtre gallo-romain de cette bourgade rurale du Poitou au diapason des émotions de l’opéra et de ses grandes voix. Pour cette édition 2018, la dix-neuvième, c’est la Tosca de Puccini et son incarnation par Anna Pirozzi, qui réunit les mélomanes au bord de la Vonne.
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Avec une juge digne des plus vastes salles d’opéra, à l’exemple de Bastille, le Théâtre gallo-romain de Sanxay est propice à l’épanouissement des grandes voix, d’autant que l’acoustique, idéalement humidifiée par la proximité de la rivière, se révèle très favorable. La Tosca de Puccini présentée dans cet écrin de verdure en témoigne, et tout particulièrement la fosse. Sans avoir besoin de sophistication architecturale, étant simplement posée au pied du plateau, elle n’en fait pas moins ressortir le chant des différents pupitres, au gré de leur solos respectifs, éclairés avec intelligence par Eric Hull, lequel ne se contente pas des décibels et s’appuie avec confiance sur des musiciens venus des meilleures phalanges d’opéra de France – et d’Europe.
Mais l’affaire lyrique est d’abord une question de voix, et, comme à l’accoutumée, Christophe Blugeon, le directeur artistique, sait les choisir. Dans le rôle-titre, Anna Pirozzi, qui avait déjà incarné Abigaille dans Nabucco il y a quatre ans au festival poitevin, conjugue éclat et puissance dramatique. Sans renoncer aux méandres psychologiques de la diva, elle privilégie l’entièreté d’une passion qui passe la rampe sans difficulté. En Mario Cavaradossi, son amant le peintre, Azer Zada fait preuve d’une vitalité lyrique évidente, qui sait mettre en avant l’impact expressif, jusqu’à tutoyer ça et là une relative vulnérabilité. En cela il s’oppose au Scarpia écrasant de Carlos Almaguer, monolithe qui tire parti de ses ressources magistrales pour résumer le sadisme du baron avec une véracité sans filtre.
Le reste de la distribution complète le tableau. La jeune basse Emanuele Cordaro assume avec crédibilité un Angelotti aux abois. Armen Karapetyan module la bigoterie attendue du sacristain. La cruauté ne fait nullement défaut aux affidés de Scarpia : Alfred Bironien en Spoletta, comme au Sciarrone de Vincent Pavesi. Mentionnons encore le geôlier de Jesus de Burgos, et la fraîcheur du jeune berger, dévolu à Gaspard Lys, membre du choeur d’enfants qui se joint à la foule du Te Deum à la fin du premier acte. On ne manquera pas les choeurs, préparés efficacement par Stefano Visconti.
Quant à la production scénique, le marbre noir du décor, gravé d’une antienne ecclésiastique, dessiné par Mauro Tinti inscrit l’histoire dans une oppression psychologique et historique, sans céder à la pacotille illustrative. Rehaussé par les lumières de Nevio Cavina, la mise en scène de Stefano Vizioli optimise l’espace théâtral et ses conventions suggestives pour plonger le public dans le réalisme des voix et de la musique. En cela le contrat quasi cinématographique de Puccini est pleinement rempli, sous les cieux de Sanxay qui chaque été s’enrichissent de nouvelles étoiles, lyriques bien entendu.
Gilles Charlassier
Tosca, mise en scène : Stefano Vizioli, Soirées lyriques de Sanxay, août 2018
©Soirées lyriques de Sanxay