Opéra
Opéra : à bas les préjugés!

Opéra : à bas les préjugés!

07 May 2016 | PAR Elodie Martinez

A l’occasion de ce weekend “Tous à l’Opéra!”, nous avons pensé qu’il était bon de revenir le temps d’un article sur quelques préjugés qui ont la vie dure et qui empêchent parfois certains d’oser pousser les portes d’un opéra. Attention : vous pourriez être surpris…

1/ Les chanteuses sont toutes énormes, moches, des Castafiores en puissance, et en plus ce sont des divas…

Si le terme de diva est effectivement originaire du monde de l’opéra, sa connotation péjorative ne lui est plus aujourd’hui exclusive. Les pires “divas” se trouvent certainement davantage dans la variété et le cinéma tandis que les cantatrices sont d’une accessibilité déconcertante et n’ont surtout rien à voir avec la Castafiore! Vous pouvez venir avec vos lunettes sans crainte de voir le verre exploser au premier aigu venu, ni même au moindre contre-fa de colorature (traduisez par : “une note très très aiguë que seule certaines sopranos parviennent à atteindre”). Quant à leur physique, il faut bien avouer que le plaisir de l’ouïe est aujourd’hui souvent accompagné par celui de la vue… Mais comme une image vaut mille mots, jugez donc par vous-même :

Alors? Ca ne donne pas envie d’aller voir un opéra? A savoir que les chanteurs sont eux aussi loin d’être tous vieux et bedonnants…

2/ Ca hurle et on ne comprend rien…

On ne vous le cache pas, c’est vrai que le but du jeu pour les chanteurs est d’être entendus… Pour cela, non seulement ils ne sont pas aidés par un micro, mais ils doivent en plus parvenir à dépasser l’orchestre (dont le nombre variable se compte toujours en dizaines de musiciens pour un opéra). Alors oui, c’est vrai, parfois ils chantent fort… Mais bon, Céline Dion et Lara Fabian aussi! A savoir que la qualité d’un interprète ne se mesure pas que dans ses décibels : à l’opéra, ce sont les nuances qui importent. Il faut donc être capable de chanter fort, sans toutefois beugler, contrairement à ce qu’on imagine (et ça n’est pas si facile!) Les pianissimi ont aussi une très grande importance et l’on notera souvent l’acmé de l’émotion dans ces moments légers, tendus et fragiles… Parce que l’opéra, ce n’est pas qu’un combat de puissance vocale!

Après, “on ne comprend rien” de même que l’on ne comprend rien aux chansons anglaises (ou bien aux malheureuses tentatives de prononciation d’anglais par des chanteurs français), ou aux chansons étrangères en général. Forcément, si on ne parle pas italien, on va avoir du mal à tout comprendre dans un opéra italien, de même que dans un opéra allemand si on ne connaît pas la langue. Quant au russe, n’en parlons pas! Il est vrai aussi que, parfois, on a du mal à comprendre le français quand notre oreille n’est pas habituée à l’art lyrique… Et même quand elle l’est, ce n’est pas toujours évident! Mais dans ce cas, le problème ne vient pas forcément de vous… Heureusement, la technologie moderne permet de pallier tous ces petits tracas grâce au surtitrage! Eh oui : à l’opéra, des écrans plus ou moins petits (ou parfois un seul) vous traduisent en direct ce que les gens sont en train de chanter sur scène. Vous pouvez donc laisser vos dictionnaires et vos méthodes d’apprentissage à la maison…

3/ C’est toujours la même histoire, et en plus il ne se passe rien…

Sur ce point, vous seriez surpris… Il se passe au moins autant de choses que dans bien des films, si ce n’est plus! Nous pouvons citer pour exemples Le comte Ory de Rossini ou bien la célèbre Flûte enchantée de Mozart. Divers opéras sont inspirés de faits historiques (comme Maria Stuarda de Donizetti), mythologiques (Les Troyens de Berlioz), ou de pièces de théâtre, comme Les noces de Figaro (Mozart), Ermione (Rossini), Medée (Cherubini), Don Giovanni (encore Mozart) ou bien la fameuse Traviata de Verdi inspirée du roman La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas. Avouez que si l’on a pu en faire des pièces et des romans, on peut bien en faire un opéra! On fait des comédies musicales avec moins que ça…

Pour ce qui est de toujours voir la même histoire, l’opéra peut se montrer fort original : Le roi carotte en est une des preuves, tout comme l’Etoile de Chabrier. L’amour étant quant à lui un leitmotiv commun à tous les arts, on le retrouve effectivement un peu partout. Il n’est donc pas étonnant de voir des opéras traitant du mythe d’Orphée et Eurydice ou bien l’indémodable histoire de Roméo et Juliette. Toutefois, dans la version de Bellini, I Capuleti e i Montecchi, l’auteur ajoute un élément inattendu : Roméo décide de se donner la mort par le poison mais, comble de l’horreur, Juliette revient à elle juste après qu’il ait bu la potion alors qu’il n’est pas encore mort, et nous assistons impuissants à des adieux déchirants… (notons au passage que Roméo peut être interprété par une femme, le travestissement étant courant à l’opéra).

4/ C’est long et on s’ennuie…

Vous vous dîtes probablement qu’au cinéma ou au théâtre c’est moins long et que le héro ne met pas 1h30 à mourir (tout en répétant en chantant qu’il se meurt)… On ne vous mentira pas : le concept du temps est assez vague à l’opéra et le principe est souvent de répéter (avec des variations) la même chose. Comme ça, vous n’êtes normalement pas trop perdu dans l’histoire et en plus vous pouvez profiter du chant malgré l’effort de lecture des surtitres. Toutefois, sachez que tous les opéras ne font pas 6h (sauf quand ils sont de Wagner) et certains sont même extrêmement courts, comme Sancta Susanna de Hindemith ou Suor Angelica de Puccini (environ 1h, 1h30).

Est-ce que toutes les histoires sont tristes? Il est vrai qu’il y a souvent des morts à l’opéra… C’est un peu l’ancêtre de Game of Thrones, il ne faut pas trop vous attacher aux personnages : même les héros peuvent ne pas survivre à l’oeuvre. Il y a du sang, des guerres, des trahisons, de la politique, des histoires de famille inimaginables, des femmes de plus de 300 ans (voir L’Affaire Makropoulos), de l’amour, de la haine,… Cependant, là aussi, c’est comme au théâtre ou au cinéma : l’opéra est un art où cohabitent des genres et des sous-genres (opérette, opéra bouffe, opera seria, opéra comique,…) On peut donc rire et pleurer chez Mozart, pleurer des larmes provenant de profondeurs que vous ne vous connaissiez pas chez Verdi, Bellini ou encore Halévy, mais on peut aussi rire jusqu’au larmes chez Offenbach ou Strauss. Nous nous souviendrons toujours de la Chauve-Souris à l’Opéra Comique en décembre 2014. Ce n’est pas pour rien si J. Strauss et Offenbach sont souvent les compositeurs des fêtes de fin d’années : leurs oeuvres sont festives, enjouées, divertissantes et souvent d’un comique qui n’a rien à envier aux grandes comédies!

5/ C’est un cercle fermé et élitiste, pour les intellectuels et ceux qui connaissent déjà. Sans parler du prix!

Regardez sur internet les prix proposés : c’est souvent moins cher qu’un concert de variété! De plus, les opéras tentent de renouveler leur public, ce qui engendre des prix plus qu’intéressants pour ceux pouvant bénéficier du “tarif jeune” ou autre réduction. Parfois, quel que soit votre âge, vous pouvez vous rendre à l’opéra pour une dizaine d’euros (comme à Lyon) ou même à 5 euros (au TCE). Sans surprise, il ne s’agit pas (du tout) des meilleures places : celles dont nous vous parlons au TCE sont sans visibilité (mais vous pouvez entendre et voir à peu près à des prix encore très raisonnables dans la catégorie supérieure). Après, vous pouvez toujours officieusement vous déplacer en fonction des places libres… Certaines salles ne restent toutefois pas très accessibles, comme l’Opéra de Paris, mais il faut parfois chercher un peu (beaucoup) pour se rendre à l’opéra sans avoir à vendre un rein.

Pour ce qui est du cercle fermé et élitiste, voilà une idée reçue qui a du mal à disparaître alors qu’elle est probablement la plus erronée de toutes : la musique n’est-elle pas un langage universel? Estimez-vous que l’on ne peut pas écouter de rock, de rap, de techno ou de variété si on ne connaît pas déjà? Les airs d’opéra sont loin d’être fermés derrière les portes de leurs bâtiments et font partis de la culture populaire. C’est d’ailleurs parce qu’ils en font tant parti que l’on ne s’en rend plus compte, de même que pour la musique classique. Vous connaissez très certainement la célèbre comptine “Ah! vous dirais-je maman”? Eh bien c’est du Mozart! L’air du cancan que le monde entier connaît? C’est Orphée aux enfers d’Offenbach!

(et La vie parisienne? Il y a un air de cancan là aussi…)


Êtes-vous également sûr de ne pas connaître un peu de la Carmen de Bizet?

Croyez-nous : nous pourrions poursuivre longtemps comme cela, les exemples ne manquent pas…

L’opéra n’est donc pas un monde de naphtaline sentant le renfermé où des femmes et des hommes que la nature n’a pas gâtés physiquement hurlent des paroles incompréhensibles pour des intellectuels coincés et sans humour. A l’opéra, on rit, on pleure, on y vit des émotions multiples par la musique, par les voix, par des mises en scène, on s’émerveille parfois devant des costumes et des décors, on découvre, on aime, on déteste,… L’opéra est une forme “d’art complet” et un monde de passion. Or la passion se vit dans le partage, et c’est ce dernier qui est aujourd’hui le maître-mot de cet art que l’on croit à tort fermé.

Alors à bas les préjugés, et Tous à l’Opéra!

(En bonus, une dernière vidéo contre une autre idée reçue : ce n’est pas parce que l’on aime l’opéra que l’on aime uniquement l’art lyrique et la musique classique…)

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Elodie Martinez
Après une Licence de Lettres Classiques et un Master en Lettres Modernes, Elodie découvre presque par hasard l'univers lyrique et a la chance d'intégrer en tant que figurante la production du Messie à l'Opéra de Lyon en décembre 2012. Elle débute également une thèse (qu'elle compte bien finir) sur Médée dans les arts en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, puis, en parallèle d'un stage dans l'édition à Paris, elle découvre l'univers de la rédaction web et intègre l'équipe de Toute la culture où elle participe principalement aux pages d'opéra, de musique classique et de théâtre. Elle a aussi chroniqué un petit nombre de livres et poursuit l'aventure une fois rentrée sur Lyon. Malheureusement, son parcours professionnel la force à se restreindre et à abandonner les pages de théâtre. Aujourd'hui, elle est chargée de projets junior pour un site concurrent axé sur l'opéra, mais elle reste attachée à Toute la culture et continue d'être en charge de l'agenda classique ainsi que de contribuer, à moindre échelle, à la rédaction des chroniques d'opéra.

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