Opéra
Offenbach et Hervé pour l’ouverture de la saison opéras-bouffes de Bru Zane au studio Marigny

Offenbach et Hervé pour l’ouverture de la saison opéras-bouffes de Bru Zane au studio Marigny

21 January 2019 | PAR Victoria Okada

« Enfin une saison d’opérette à Paris ! » C’est avec cette accroche que Palazetto Bru ZaneCentre de musique romantique française installe une série d’opérettes en un acte au Studio Marigny, le théâtre qui vient de rouvrir ses portes en novembre dernier après quelques années de travaux. On pouvait assister, pour cette ouverture à deux pièces en un acte déjà appréciées lors du Festival Bru Zane à Paris l’année dernière, aux Bouffes du Nord : Le Compositeur toqué d’Hervé et Les Deux aveugles d’Offenbach, créés respectivement en 1854 et 1855.

Les opéras et les opérettes en un acte représentent presque les deux tiers du répertoire lyrique français de l’époque romantique, nous apprend le programme. Ils servaient soit de lever de rideau aux pièces en trois actes, (un peu comme la première partie d’un concert de chanteurs ou groupes connus aujourd’hui), soit d’un finale d’une soirée comique après des numéros divers et variés. Cela faisait aussi partie des formats imposés aux petits théâtres par les autorités qui fixaient des conditions par catégorie d’établissements, quant au nombre d’acteurs, de chanteurs, d’actes, à la présence ou non de chœur ou de ballet. Pour contourner ces règles, les compositeurs et les librettistes faisaient preuve de créativités en utilisant constamment des astuces ingénieuses et en détournant ces contraintes pour créer des éléments inventifs.

Aussi Offenbach qui s’est vu enfin attribuer un petit théâtre au Carrée Marigny sur les Champs-Elysées, à deux pas du théâtre où se joue nos spectacles, proposait-il des pièces à un acte avec deux ou trois personnages seulement. Hervé, dont certains affirment la paternité pour le genre de l’opérette, avait lui aussi un théâtre, Folies Concertantes (Actuel Théâtre Dejazet, à partir de 1854) où il était autorisé à jouer des scènes comiques à deux personnages, chansonnettes, etc. qu’il écrivant et chantant sur scène lui-même. C’est donc sous cette condition que ces deux pièces représentées quatre fois les 19 et 20 janvier, sont nées.

Les deux aveugles mettent en scène deux faux aveugles qui font la manche sous un pont de Paris, dans le contexte, lors de sa création, des grands travaux haussmanniens. On remarque également un quelques références napoléoniennes ; en effet, la mémoire de l’empereur qui était mort même pas 50 ans auparavant était encore vivace. Les accents et les césures déplacés de certains mots, une des marques de fabrique d’Offenbach, sont déjà très présents dans cette œuvre inaugurale de son premier théâtre, que les deux ténors, Flannan Obé et Raphaël Brémard, articulent délicieusement pour créer des effets comiques. Peu de chansons (ou plutôt de numéros) sont là pour ponctuer les dialogues qui exigent un talent de comédien haute voltige, le talent qu’ils n’hésitent absolument pas à déployer. Dans la mise en scène de Lola Kirchner, les accessoires sont inspirés par un dessin de l’époque (qui sert d’ailleurs comme l’affiche) : les inscriptions sur écriteaux — « aveugle de nessance » et « aveugle par axidans » — et les coiffures des deux protagonistes. Le maquillage de clown et des instruments jouets (guitare électrique et saxophone en plastique pour remplacer la guitare et le trombone sur cette même affiche) ne signifient-t-ils pas que tout est une farce ? D’ailleurs, les notes jouées sur ces instruments, qui sonnent fausses, ajoutent le caractère comique volontairement « cheep » !

Le Compositeur toqué est une caricature du métier du compositeur, truffée de situations incongrues et de jeux de mots absurdes. Comparées au délire d’Hervé (et pourtant, chacun reconnaîtra plus ou moins telle ou telle situation dans la vie réelle de musicien, et c’est là qui est terriblement drôle…), les bouffonneries offenbachiennes paraissent encore bien conventionnelles. Malentendus volontaires, idiotie assumée, bêtises délibérées… avec tout cela, les rires s’enchaînent, le rythme est soutenu sans aucun temps mort. On est forcément admiratif devant ces deux comédiens-chanteurs qui s’adonnent totalement au jeu, secondé par le pianiste Christophe Manien qui entre également dans le bal. Mais au milieu de toutes ces folies, la musique est incroyablement belle, d’un plume véritablement expert qui sait tourner des jolies mélodies au ridicule et ce, avec grande liberté et à tout moment, et immédiatement après, la beauté reprend avec encore plus d’élan. Pourquoi tarde-t-on autant à monter ses œuvres, à quelques exceptions près, comme Les Chevaliers de la table ronde (également production de Bru Zane) ou Le Petit Faust (par Les Frivolités parisiennes) ? Heureusement, la même équipe programme en mars (du 15 au 17), toujours au Studio Marigny, Le Retour d’Ulysse (1862) en un acte mais avec cinq personnages.

photos © Palazetto Bru Zane

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