Opéra
Anna Netrebko, Turandot de grand style à Vérone

Anna Netrebko, Turandot de grand style à Vérone

04 August 2021 | PAR Paul Fourier

La soprano russe incarnait à nouveau la Princesse de glace dans les Arènes… son meilleur rôle actuel.

Princesse hautaine, peuple grouillant de Pékin, imagerie exotique, Turandot est probablement l’opéra qui se prête le mieux à une scénographie en grand large et, ce n’est pas un hasard si c’est l’un des opéras les plus représentés dans les Arènes (après cependant Aïda, Carmen et Nabucco).
De surcroit, la disposition particulière imposée cette année par l’épidémie de Covid n’a pas nui, tant s’en faut, en amplifiant même le sentiment de grand spectacle.
En effet, la grande majorité des choristes était placée en gradin à gauche de la scène (une moindre part étant à l’opposé, notamment les jeunes choristes) donnant l’impression qu’ils répondaient aux percussions, très sollicitées, mais bien dirigées ce soir par le chef, Jader Bignamini.
D’une manière générale, l’on aura d’ailleurs bien des éloges à faire à l’Orchestre des Arènes de Vérone, ample, mais pas écrasant, et au chef qui a su maintenir un bel équilibre des pupitres.

Pourtant, des menaces planaient sur la soirée. L’orage qui s’était abattu sur Vérone deux heures avant le spectacle laissait même craindre une annulation pure et simple. Heureusement, les nuages partiellement évacués laissèrent place à une fraicheur qui tranchait avec la douceur des jours précédents. Restait à éponger les sièges bien détrempés grâce aux gros morceaux de papiers absorbants disponibles dans les travées. Finalement, les Arènes étaient aussi remplies que possible – distanciation respectée -, pour accueillir la Diva Netrebko dans le rôle qu’elle a étrenné début 2020 à Munich et n’a pu interpréter ensuite que lors de représentations ce printemps au Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg.

Une Turandot « italienne » et impériale

Vocalement, le spectacle repose avant tout sur ses épaules de star et l’attente est longue pour le public avant que n’apparaisse, au milieu de l’acte II, la cruelle et chaste Princesse de glace. C’est alors une démonstration flagrante que fait la soprano aux moyens spectaculaires que nous lui connaissons, combinant, et c’est là le plus admirable, une projection extraordinaire sans que cela n’entame la richesse de son timbre capiteux.
Les caractéristiques de l’écriture de ce rôle impossible l’amènent de plus, à rester dans la partie haute du registre vocal, nous évitant en grande partie le recours aux graves poitrinés dont elle abuse parfois.
La scène des énigmes (« In questa reggia ») est stupéfiante d’assurance. Elle y rappelle (enfin ! dirons-nous) que le style et la pratique du répertoire italien dans lequel elle évolue depuis toujours, sont bien plus idoines que l’imposition de voix wagnériennes rendues nécessaires par la lourdeur de Walkyrie du rôle.
Au dernier acte (dans le final composé par Franco Alfano), elle parvient ainsi à faire apparaître la femme amoureuse sous la Princesse inflexible, et à apporter une certaine douceur dans cette partition tranchante.

À ses côtés, Yusif Eyvazov utilise parfaitement ses moyens pour camper Calaf. Le timbre n’a jamais été d’une beauté ensorcelante, mais ce qui fait là la force du ténor, c’est son endurance et surtout une maîtrise du souffle qui, évidemment, produit de l’effet auprès du public des Arènes.
Après un « Turandot » spectaculaire à l’acte I, l’on peut sans peine imaginer que c’est bien la longueur interminable du « e » du « Vincero » final du « Nessum Dorma », par ailleurs efficace sans être inoubliable, qui aura déclenché des ovations nourries et explosives.

Même s’il est populaire – comme celui de Micaela dans Carmen – le rôle de Liu s’attire souvent, compte tenu de la beauté de ses deux airs, des applaudissements nourris lors des saluts, mais exige cependant un bel équilibre. Équilibre que trouve Ruth Iniesta grâce à un timbre riche en harmonies, mais également grâce au recours à des mezza voce splendides.
Riccardo Fassi incarne un solide Timur, quand l’Empereur Altoum de Carlo Bosi a bien de la peine pour se faire entendre dans l’immensité de la scène des Arènes. D’autant qu’il n’a pas la chance, lui, d’être à portée de la sonorisation, ce soir, par moments, envahissante en avant-scène ; envahissante, à tel point qu’elle produira littéralement des « étincelles » bruyantes lors du duo des énigmes. On a connu coup de foudre plus harmonieux…
Enfin Ping, Pong et Pang (Alexey Lavrov, Marcello Nardis, Francesco Pittari) que l’on arrive, comme d’habitude, difficilement à différencier sont, dirons-nous, honnêtes, ce qui ne suffit pas à éclairer les longs passages où ils sont présents.

Ce soir, l’orage a laissé place aux foudres puis à l’abandon de la Princesse Turandot. Avec un orchestre à la hauteur et, en la personne d’Anna Netrebko, elle a envoyé au public le message qu’une Diva est à même, par sa puissance, de faire oublier les éléments contraires, le temps d’une représentation…

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