Opéra
Le Festival Musica Nigella clôture en beauté avec le diptyque « Deux soldats »

Le Festival Musica Nigella clôture en beauté avec le diptyque « Deux soldats »

14 November 2021 | PAR Victoria Okada

Le Festival Musica Nigella, sous le thème de la [Re]naissance, a donné le 6 novembre dernier la soirée de clôture de sa 16e édition, exceptionnellement déplacée pour la raison que l’on sait du printemps à l’automne. Tradition oblige, l’Ensemble et son chef Takenori Nemoto présentent un diptyque lyrique, « Deux soldats », nouvelle production qui célèbre le 50e anniversaire de la disparition de deux compositeurs, Igor Stravinsky (1882 – 1971) et Henri Tomasi (1901 – 1971).

En entrant dans la salle, on remarque tout de suite une grande tente au milieu de la scène. À côté de ce décor, trois musiciens répètent déjà certains passages, installés côté jardin. Il s’agit du violoniste Pablo Schatzman, du clarinettiste François Miquel et du directeur artistique et fondateur du festival, Takenori Nemoto. Corniste et chef d’orchestre, il est cette fois-ci au piano, probablement pour la première fois devant le public.

Un diptyque

Le spectacle commence sans les trois coups traditionnels, comme s’il s’agissait d’un prolongement de notre quotidien. Certains spectateurs ne se rendent pas tout de suite compte du « lever » de rideau (déjà totalement levé, il est vrai…). Dans le précédent diptyque représenté et capté sans public pendant le confinement au Théâtre de l’Athénée, on entendait déjà un thème de Stravinsky dans Trois baisers du diable d’Offenbach (vous pouvez écouter une interview franco-japonaise sur notre site partenaire vivace-cantabile.com). Il est si bien intégré qu’on a cru à un moment qu’il s’agissait d’un fragment « découvert » (comme on aime bien dénicher des choses inconnues depuis quelques années !) du roi des opérettes, repris par le compositeur russe. Mais il n’en est rien, maintenant on a compris que notre chef travaillait déjà sur un autre diptyque…
Toujours est-il que Takenori Nemoto fait montre, une fois de plus, de son extraordinaire talent de compositeur pour tirer le meilleur de ce conte musical de Stravinsky. Mais aussi et surtout du Silence de la Mer de Tomasi, en le transcrivant pour violon, clarinette et piano. Avec seulement trois instruments, il rend les textures sonores tantôt denses tantôt légères, les couleurs si variées qu’on aurait cru entendre au moins un ensemble de cinq ou six instruments. Les trois musiciens jouent en parfaite harmonie entre eux, dans une complicité qui permet de créer une véritable entité musicale.

Une mise en scène simple et créative

Victoria Duhamel offre une mise en scène simple et créative, et surtout terriblement efficace. La tente dont elle montre l’extérieur dans L’Histoire du soldat — l’intérieur que l’on ne voit pas est en quelque sorte le domaine du diable — se dévoile par une extraordinaire transition : la maison du diable crache de la fumée pour l’emporter en même temps que le soldat en enfer). Elle se transforme alors en une tranchée. Le jeune Werner, héros du Silence de la mer, y reçoit un obus et s’en sort de justesse. Cette tente/tranchée est remplie de graffitis blancs, magnifique réalisation à la fois réaliste et fantaisiste, tout comme l’uniforme du soldat qui sert de fil conducteur. Des objets suggèrent la présence d’autres personnages : le violon du diable, les sous-vêtements féminins pour sa fiancée et la princesse dans Stravinsky et les deux chaises pour l’homme et sa nièce dans Tomasi.

Une version avec un seul personnage

La metteuse en scène opte pour une version avec un seul personnage, dans chacun des deux opus, rôle qu’endosse le baryton Antoine Philippot. Avec son solide bagage en tant que comédien, il joue plutôt du théâtre dans le premier et fait résonner sa voix de baryton dans le second. Sa projection naturelle est poignante justement par ce naturel. Le chanteur-comédien est lumineux dans son lyrisme malgré le caractère sombre du sujet, et sa diction claire, aussi bien dans les paroles que dans le chant, renforce l’acuité des propos dans des situations surréelles. Ainsi, sa présence physique et musicale est la clé de la réussite de ce spectacle dont on attend vivement la reprise et des tournées.

photo © @ Jean-François Tourniquet

Rennes : Made s’offre une séance de rattrapage dans les étoiles
Le Monstre du placard est amoureux, de la douceur en forme de cœur
Victoria Okada

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration