
“La Grande Magie” de Emmanuel Demarcy-Mota ne charme pas
Le Théâtre de la Ville accueille jusqu’au 8 janvier La Grande Magie de Eduardo De Filippo, dans une mise en scène de Emmanuel Demarcy-Mota.
La pièce de Eduardo De Filippo commence comme un vaudeville : un mari jaloux, Calogero, voit sa femme le quitter lors d’un spectacle de magie. La pièce glisse toutefois rapidement vers le merveilleux, le magicien à l’origine de la supercherie tentant de convaincre l’époux malheureux que l’adultère de sa femme est une illusion, le tour de magie n’ayant jamais cessé. Durant quatre ans, Calogero s’accrochera à cette croyance.
Si la mise en scène de Emmanuel Demarcy-Mota retransmet bien l’univers du vaudeville, le caractère onirique de la suite de la pièce n’est retranscrit que par des poncifs du genre, formes géométriques projetées en fond de scène et musique lancinante.
Surtout, la principale nouveauté de cette proposition interroge : Calogero, le mari jaloux, devient une femme, Calogera, la femme infidèle un homme et l’amant une maitresse. Malheureusement, ce qui pourrait passer pour une remise en cause des rapports traditionnels hommes- femmes rate son coup : les ressorts de la jalousie du Calogero de De Filippo s’inscrivent clairement dans une culture patriarcale qui enjoint aux femmes d’être chastes et aux hommes de les surveiller, tout en niant leurs sentiments (le texte de Eduardo De Filippo est on ne peut plus clair à ce sujet). Certes, on pourrait voir dans le choix de Demarcy-Mota le désir, précisément, de renverser cette bipartition des genres. Mais alors, il eût fallu modifier également les genres des personnages secondaires. Or, seul le policier en charge de faire la lumière sur la disparition fait aussi l’objet d’un changement de genre. Malheureusement, il s’agit d’un personnage gauche et veule : en l’état, ces quelques choix d’inversion des genres nous donnent surtout l’impression d’assister à une pièce misogyne.
Visuel : La Grande Magie – Nadège Le Lezec