« Gotha » d’Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre : jolie petite contrée lointaine à visiter
L’auteur-metteur en scène de théâtre contemporain Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre signe un spectacle destiné aux enfants. Parfaite réussite, tant son art de la rupture de ton et de la composition de micro-scènes laisse toute la place à l’aventure et au rêve.
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La folie d’un roi, les aventures de deux frères pêcheurs, la fuite d’un mendiant avec une princesse et l’amour d’un volcan pour…la mer qui l’entoure. Quatre histoires, en cinquante minutes ? C’est possible.
Dans Gotha, dernier texte d’Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre, metteur en scène, dramaturge et comédien qui s’est fait connaître par ses spectacles présentés au Festival d’Avignon -à la Parenthèse ou dans le cadre du festival Contre-Courant– tout va très vite: un volcan situé sur une île se réveille, et les récits se mettent en branle du fait de ce danger. Mais chaque scène amène un univers: on passe de l’intense au léger, du fragment de psychologie au geste. De ce fait, chaque histoire existe sous nos yeux. Et prend le temps d’exister surtout, malgré la durée brève.
On s’étonne de la capacité du metteur en scène à faire surgir tout un monde grâce aux moyens les plus simples: une structure conique en haut de laquelle surgit l’un des comédiens pour le volcan ; une plateforme ronde en dessous, sur laquelle courent tous les protagonistes pour figurer l’île ; et l’espace du plateau tout autour pour la mer. Une pluie de confettis argentés figure les cendres. Grande simplicité et effet saisissant.
Et puis, trois comédiens se partagent tous les rôles, changeant de peau à une vitesse folle. Ils sont excellents. Nicolas Senty, aussi touchant en volcan pour qui le temps n’est pas le même que les hommes -on reconnaît sa nature à ses cheveux rouges- qu’en pêcheur dont la tête a été coupée par le roi -un bas noir sur la tête, un jeu physique et muet parfait, et le tour est joué ; Clara Pirali, qui endosse les figures de la mer, de la jeune fille comme des rôles d’hommes -pêcheur et serviteur- avec une même aisance et un redoutable engagement ; et Makita Samba, élève au Conservatoire de Paris actuellement, qui met magnifiquement son corps musclé au service des figures qu’il incarne: le mendiant qui n’en revient pas, qui se lave à l’eau froide sous les rires du public ou cherche à « dégager » sans que ses jambes lui obéissent, ou le roi se prenant à rêver de sa ville teinte tout en rouge, avec le sang de ses sujets…
On retrouve donc, dans ce « spectacle pour enfants », tous les atouts du conte, au premier rang desquels se trouve la concision. Jusque dans le texte, limpide, rythmé, drôle -l’invitation à dîner du volcan à la mer- et « moderne », au sens théâtral du terme, juste par instants. Mais le metteur en scène n’abandonne pas pour autant ses principes récurrents : ainsi, les spectateurs « jouent » les habitants de la ville ; lorsque le roi doit être chassé, les comédiens appellent donc leur auditoire à manifester avec eux… Et on se fait entraîner par tout ce souffle.
Gotha, d’abord présenté durant trois jours au Forum, Scène conventionnée du Blanc-Mesnil où Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre a été en résidence pendant trois ans, va être repris au Théâtre Louis-Aragon de Tremblay-en-France mardi qui vient. En attendant, peut-être, une tournée -notamment à Niort, au Moulin du Roc, où sa compagnie, le Théâtre Irruptionnel, est actuellement en résidence. Le voyage dans cette micro-contrée maritime se fait sans mal, et on en revient heureux. Si l’occasion se présente, embarquez !
Gotha, texte et mise en scène d’Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre. Avec Clara Pirali, Makita Samba, Nicolas Senty. Et la participation de Julie Sicard. Création son: Nicolas Delbart. Création lumière: Sébastien O’Kelly. Scénographie: Olga Karpinsky.
Le spectacle sera présenté au Théâtre Louis-Aragon de Tremblay-en-France le mardi 11 février, à 10h.
Visuel: photo du spectacle Gotha © Olga Karpinsky
Visuel Une: visuel du spectacle Gotha © DR