Holiday on stage de Martin Schick, un rire salutaire et pas vain
Les Rencontres internationales chorégraphiques de Seine Saint-Denis se sont clôturées samedi dernier au Nouveau Théâtre de Montreuil sur l’irrévérencieux Holiday on stage de Martin Schick et son génial acolyte Damir Todorovic, un spectacle parodique et gonflé qui déjoue irrésistiblement les attentes dans la mesure où l’on n’y danse quasiment pas et qui interroge la vocation de l’artiste et la place de la culture.
Foutraque et décalée, la pièce dont le titre est inspiré du célèbre spectacle international de patins à glace, met en scène deux énergumènes incontrôlables et bien barrés qui commencent par se désaper sur l’hymne européen tiré de la 9e de Beethoven puis s’affublent de divers costumes et chapeaux excentriques. Derrière cette jubilatoire mascarade, la panne d’idées. Ils sont en scène sans savoir quoi faire. Un stand-up ? une sitcom ? un drame ? un documentaire ? de la poésie ? de la danse contemporaine ? une installation qui invite à contempler un aspirateur se mouvoir sur un célèbre morceau d’Arvo Pärt ? Ils échangent des banalités drolatiques sur quelques personnalités connues (Carla Bruni, Ryan Gosling, la reine d’Angleterre), jouent à ne se parler qu’en citations, en titres de films ou de chansons. Leur performance tient du reality show et, en mauvais goût, elle rivalise avec la vacuité télévisuelle mais évidemment compensée par un sens aigu de l’humour et de l’absurde, une vivacité, un esprit, une liberté formidables.
Adoptant un jeu volontiers distancié, moqueur et nonchalant, ces interprètes sans inspiration et inopérants, livrent une contre-performance parfaitement réussie, faussement paresseuse et déficitaire qui semblent dire : l’époque telle qu’elle est n’a que le spectacle qu’elle mérite.
La représentation pitoyable et débraillée qui nous est donnée à voir est simplement conforme aux temps actuels, obscurs, exaspérants, à une société où tout le monde aspire à être célèbre sans talent, où l’art et la culture se basent sur l’efficacité, le succès à tout prix et le divertissement, sur l’argent et la rentabilité (les logos promotionnels des mécènes bienfaiteurs du spectacle sont exhibés à dessein et servent de toile en fond de scène), où les artistes ne parviennent à trouver leur place (il faut les voir se battre un menu bout de canapé) et sont perpétuellement confrontés aux rouages d’une impitoyable compétition, où la culture de masse, forcément régressive, est la seule mesure qui vaille…
La critique est pertinente de la part d’un artiste qui s’est toujours intéressé aux influences des mouvements sociopolitiques sur l’art et inversement. Jeune chorégraphe et performer indépendant, Martin Schick réalise depuis 2007 ses propres pièces et les tourne dans le monde entier. Ce fut le cas de « Title » (2009), « CMMN SNS PRJCT » (2011), et d’« Holiday on stage », récemment primé au festival Belluard Bollwerk International qui va être présenté à Amsterdam, Varsovie et Rome. Martin Schick est en train de faire l’acquisition d’un bunker dans les montagnes de sa Suisse natale pour y créer un centre d’apprentissage post-capitalisme ouvert à des artistes en résidence. Etre artiste c’est pour lui proposer une alternative, cultiver la différence, revendiquer l’anti-académisme, sans se prendre au sérieux, avec un formidable sens de la dérision. On ne peut qu’adhérer.
Holiday on Stage © Margaux Kolly
Les 13 et 14 juin 2004 au Nouveau Théâtre de Montreuil dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis.
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