Fictions
« La Maison disparue » d’Adelheid Duvanel : Miniatures ou microfictions ?

« La Maison disparue » d’Adelheid Duvanel : Miniatures ou microfictions ?

15 June 2023 | PAR Julien Coquet

En deux voire trois pages, la Suisse Adelheid Duvanel a le chic pour croquer des situations, entre poésie et mystère.

Décidément, les histoires courtes ont le vent en poupe, après les louanges que nous faisions au beau recueil de David Thomas, Partout les autres. Publié pour la première fois en 1988, La Maison disparue comporte trente-six instantanés. À y regarder de plus près, on serait tenté de dire que ces histoires se rapprochent plus de miniatures que de microfictions dans le sens où elles s’intéressent à des faits de la vie quotidienne, saisis à un moment banal. Les microfictions de Régis Jauffret et de David Thomas sont-elles plutôt repliées sur elles-mêmes, constituant un tout et donc une véritable histoire (milieu-début-chute).

Car La Maison disparue désarçonne. On y croise Hubert Pleinement qui se prend pour un mouton, une femme qui se suicide en se jetant du haut d’un pont, une Dora qui vit avec un violoncelle, un jeune homme qu’on surnomme « Sansmoi »… Adelheid Duvanel reprend certains thèmes de nouvelle en nouvelle : les enfants, la neige silencieuse, les arbres qui frémissent, la solitude mais aussi la vie en couple. La difficulté des histoires tient souvent au manque d’explications, comme si Adelheid Duvanel nous projetait dans une vie, et nous demandait de nous débrouiller, d’y trouver un sens. Cela peut parfois être désagréable, ennuyant, mais La Maison disparue choisit de ne pas livrer de clefs avec une prose que l’on est en droit de trouver doucement poétique.

« Je ne savais pas alors ce que je devais faire : pas faire au sens d’agir, mais de modifier quelque chose. C’est pourquoi j’étais tous les jours au Jardin Anglais à boire de la bière. Dans ces premiers jours de juillet, le ciel avait revêtu une peau incolore, les arbres étaient là, silencieux, et il faisait singulièrement frais. La femme qui était toujours assise avec moi à la table ronde en fer regardait sans cesse les lignes de ses mains, comparant celles de la main droite avec celles de la main gauche. Elle s’attendait à ce qu’elles aient raccourci. Elle aurait bien voulu faire avancer son histoire, comme un cheval sous le fouet. Il y a des endroits qu’il faut supporter, même si leur vue n’est pas réjouissante : une chambre d’hôpital blanche dans laquelle il advient un grand nombre de maux, mais où n’a lieu cependant aucun meurtre tangible : dans ces endroits, la mort est la fin d’une maladie. »

La Maison disparue, Adelheid Duvanel, traduit de l’allemand par Catherine Fagnot, Editions Corti, 112 pages, 16 €

Visuel : Couverture du livre

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Julien Coquet

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